Si les conseillers municipaux de Marseille présents ce matin dans l’hémicycle de Bargemon pouvaient avoir la bonne idée de regarder leur prestation en replay sur leur ordinateur, ils éprouveraient probablement une honte incommensurable.
Le spectacle qu’ils ont offert au public médusé était en effet d’une médiocrité insigne. On se serait cru dans une cour de récréation des quartiers nord. Une vraie bataille de charretiers. J’ai assisté à de nombreux conseils municipaux sous l’ère Defferre, puis sous l’ère Vigouroux, puis sous l’ère Gaudin, et je n’aurais jamais cru que le niveau puisse tomber si bas. Les arguments échangés par la majorité d’extrême gauche et son opposition, naguère encore qualifiée de droite, étaient indignes d’une assemblée d’élus, indignes des Marseillais eux-mêmes, indignes de la seconde ville de France.
Oserai-je vous l’avouer ? J’ai tenu trois heures dix sept devant ce festival d’insultes ou de caricatures, puis j’ai éteint mon ordinateur. Sidéré. Effondré. Scandalisé. Ces gens-là n’ont même pas conscience de leur incompétence, de leur amateurisme, de leur suffisance jubilatoire. Ils pourraient déjà apprendre à s’exprimer en public sans s’insulter à tout bout de champ. Ce serait un minimum. Je me croyais transporté quai de la Fraternité lors d’un marché aux poissons très animé. Pas dans une assemblée d’élus. C’était insupportable. J’avais presque de la peine pour cette bande d’élus d’extrême gauche qui devraient s’inspirer du conseil de leur adjoint à la transition écologique, Sébastien Barles, qui a eu l’humilité d’inviter ses homologues à « un choc de sobriété ».
Pourtant, tout avait bien commencé. Les actions de solidarité envers le peuple ukrainien, l’aide en matériel et en personnel des marins pompiers de Marseille, avaient été justement soulignés par Yannick Ohanessian, adjoint à la sécurité, et son rapport a été adopté à l’unanimité. C’est l’examen de la hausse de 5,5 points de la part communale de la taxe foncière qui a mis le feu aux poudres.
L’adjoint aux finances, Joël Canicave, a eu une circonlocution alambiquée pour justifier cette hausse qui risque d’étrangler de nombreux petits propriétaires et locataires : « Mon objectif est d’aller chercher partout des dépenses à ne pas faire ». Il n’a pas dit « Je souhaite faire des économies ». Il s’est contenté d’enclencher la machine à claques en rappelant que les précédentes majorités municipales avaient voté, elles, 27 augmentations d’impôts en vingt-cinq ans. C’est peut-être vrai, mais M. Canicave oubliait un peu vite ses propos de 2021 : « Je suis fermement décidé à ne pas augmenter les impôts parce que c’est injuste et inacceptable ».
Les commentaires désobligeants ont alors commencé à fuser : « Les Marseillais devront payer plus pour être moins servis, à Marseille on paie toujours plus pour toujours moins », a ironisé le Dr Bernard Marandat (RN). Selon lui, la dette municipale est telle que chaque bébé naissant à Marseille est déjà débiteur de 1 700 euros ! Le LR Pierre Robin, qui ne supporte pas les apostrophes de ses collègues, a évoqué « l’arnaque du petit papa Joël » pour dézinguer l’extrême gauche. « Les Marseillais sont verts de rage », a-t-il conclu.
Mi-menaçante, mi-amusée, Samia Ghali a listé les dossiers dérangeants pour l’ancienne majorité, comme par exemple le palais de la glisse ou le fortin de Corbières, mais la qualité de ses références n’a hélas pas pu voiler la vulgarité de ses propos. Il est vrai que la ville de Marseille n’a jamais été autant aidée par l’Etat pour la restauration des écoles et des logements et l’on a du mal à comprendre pourquoi l’extrême gauche veut ainsi pressurer des Marseillais qui ont déjà du mal à joindre les deux bouts. Et ils se disent proches du peuple ! Quelle mascarade !
Le moment le plus rigolo a probablement été celui de l’intervention de Mme Lisette Narducci, ancienne socialiste proche des frères Guérini, qui a eu le culot d’éreinter les budgets des municipalités Gaudin alors qu’elle avait été embrigadée par la droite et qu’elle a elle-même voté les dits budgets ! Fantastique ! Enorme !
Les seuls moments d’accalmie, et sur le ton et sur la forme, ont été perçus lors des interventions de Sophie Camard (extrême gauche) qui a proposé de « rendre les trottoirs aux piétons », une heureuse initiative si l’on veut bien admettre que les trottoirs sont envahis par les voitures, les motos, les vélos, les scooters, les trottinettes, les nids de poules et les crottes de chiens ! Mais elle a voulu s’en tenir à des faits précis sans fleurir son discours d’horions inutiles. Et Laure-Agnès Caradec, élue LR, a donné pour sa part à toute l’assemblée une leçon d’humilité et de correction en invitant ses collègues à plus de mesure : « Vous ne pourrez pas tenir durant cinq ans en nous reprochant d’avoir failli. Et en nous promettant : vous allez voir ce que vous allez voir ! Arrêtons ces débats stériles et faisons avancer Marseille, même si la voie est étroite entre votre idéologie permanente et notre pragmatisme… »
Le maire d’extrême gauche Benoît Payan, lui, a tenté vainement de maîtriser la fougue vengeresse de ses troupes. Il s’est indigné curieusement de l’absentéisme colossal des agents affectés dans les écoles : selon lui, un tiers des effectifs manquent chaque jour à l’appel ! 1 000 d’entre eux sur 3 300 se font porter pâle quotidiennement. Peut-être ces agents se sentent-ils mal à l’aise avec des élus aussi sectaires que grossiers…
José D’ARRIGO, rédacteur en chef du Méridional