Aujourd’hui, découvrez le trophée « L’œuvre de l’année » décerné par Le Méridional au fantastique projet de bibliothèque d’art de Guy Boyer.
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C’est un homme qui, bien que « monté à la capitale » dans sa jeunesse tel un Rastignac, a bel et bien laissé son cÅ“ur dans le Sud. Originaire d’Avignon, Guy Boyer commence ses études dans la Cité des papes, à Nice, puis à Paris. Grâce un travail acharné assaisonné d’une dose de bonne chance, il intègre les milieux artistiques et s’y fait une place. Celui qui a été rédacteur en chef de « Beaux-Arts Magazine » jusqu’en 1996, puis directeur de la rédaction de la revue « L’Å’il » de 1997 à 2001, anime deux fois par semaine une chronique sur Radio Classique. Sa fonction actuelle de directeur de la rédaction à la revue « Connaissance des Arts » ne lui laisse pas beaucoup de temps. Mais… à force de patience et de minutie, il a pu commencer à mettre en place un immense projet dans la ville qu’il affectionne entre toutes, Marseille. Le Méridional a pu rencontrer cet homme exceptionnel.
« Une bibliothèque ne fonctionne et ne vit que par les gens qui la fréquentent », attaque d’emblée notre interlocuteur. Cette phrase en forme de dicton nous plaît décidément. Quelle est l’idée de cette « bibliothèque d’art » ? L’histoire commence il y a plusieurs années, quand l’historien de l’art et journaliste se rend compte de l’ampleur des trésors accumulés au cours de ses quelque 40 ans de carrière. Vous imaginez le nombre de livres que cela représente ? « Tout était un peu éparpillé entre ma résidence principale et divers lieux, explique Guy Boyer. Je voulais trouver un endroit qui puisse les rassembler. Mais aussi en faire un lieu de passage, un lieu ouvert à tous ceux qui s’intéressent à l’art ! »
« une bibliothèque ne vit que par les gens qui la fréquentent »
La quête et l’enquête
Commence alors une quête marseillaise pas si simple, à la recherche de la pépite. Après plusieurs années et des tentatives avortées, c’est finalement par un coup de chance que Guy Boyer tombe un jour en arrêt devant le panneau « A louer », sur une singulière bâtisse de la rue Longue des Capucins. L’hôtel Hubaud lui tend les bras, et l’historien de l’art en achète une partie, suffisamment grande pour son projet.
Le bâtiment en lui-même mérite largement d’être restauré à l’intérieur, et revalorisé à l’extérieur. Il a derrière lui une belle histoire, et certains détails le laissent suffisamment entrevoir. Construit en 1635, il est repris au XVIIIème siècle (la porte de la façade est d’époque, de même que l’escalier intérieur à la rambarde en fer forgé). Guy Boyer aime à souligner avec un sourire la modernité de l’hôtel : « Il a une forme en cube, c’est-à -dire que sa longueur, sa largeur et sa profondeur sont identiques. » Le dernier étage a sans doute été, d’après les recherches de l’historien, modifié par le célèbre architecte Fernand Pouillon après-guerre, qui avait pris ses quartiers dans l’hôtel lors des travaux de reconstruction du Vieux-Port.
construit en 1635, il est repris au XVIIème siècle
Le sens d’une bibliothèque d’art
Pourquoi rassembler tous ces livres en un même lieu ? « Le but est que des artistes, des écrivains, des journalistes… viennent effectuer ici les recherches dont ils ont besoin. Cela n’a rien à voir de chercher des informations en ligne et de feuilleter un livre pour les dénicher ! » Pour des émissions, des livres, qui sait même, des scripts, l’hôtel Hubaud sera ouvert pour faire fructifier les talents – et permettre les échanges entre passionnés, ou novices. Une adhésion à l’association des Amis de l’hôtel Hubaud permettra de réserver des créneaux d’étude… et de fouiner parmi les trésors des 85m2 d’étagères. Un inventaire complet numérique facilitera l’orientation des recherches.
Un projet de quartier
Les commerçants des rues qui ont eu vent du projet – et pour certains ont rencontré Guy Boyer -, les élus du 1/7, sont partants pour être de l’aventure. Il faut dire que le quartier en vaut la peine : « L’architecture est magnifique, on y voit souvent des détails ouvragés, mais il faut vraiment les chercher ! L’idéal serait de créer une sorte de parcours-balade du patrimoine pour que les gens les repèrent », souligne celui qui se bat contre l’idée qu’à Marseille « il n’y a pas de monuments » (encore une invention parisienne…)
Ce plaisir de transmettre verra essaimer d’autres projets, comme une collaboration avec les écoles du quartier : une mine d’or pour les minots et une belle chance d’éveil à l’art. Par ailleurs, l’historien a remarqué que de nombreux immeubles (notamment les rez-de-chaussée) étaient désertés. Pourquoi ne pas encourager un retour des artisans, venus de divers horizons ?
On ne peut pas ne pas sentir combien notre interlocuteur aime Marseille et ce quartier. Ce projet qui n’a pas encore officiellement démarré ressemble pourtant déjà à une réussite. Mais ne dit-on pas que Marseille sourit à ceux qui l’apprécient ?
Jeanne RIVIERE