Alain Bogé est spécialisé en Géopolitique, Relations Internationales et Commerce International. Il a notamment donné des cours à l’université de Lyon 3, à Lille et en Inde. Il enseigne actuellement à l’université de Prague et à l’European Business School de Paris.
Côté géopolitique, 2021 a été riche en événements et, sans nul doute, 2022 le sera également. En ce début d’année, on peut d’ores et déjà identifier des pistes à suivre selon la situation présente et le calendrier des évènements.
Une chose est sûre : le Covid continuera à être le « fil rouge » de la nouvelle année et imposera sa présence dans la marche du monde. Parallèlement, certaines zones, des pays, des évènements, des élections et des conflits seront à surveiller.
> A voir aussi : Focus sur… – Les perspectives géopolitiques 2022. 1/5 : l’Europe
L’Organisation des Nations Unies réunit 193 membres avec droit de vote : il est difficile, bien sûr, de braquer les projecteurs sur chacun de ces pays. On a choisi de porter le regard sur cinq parties du globe : une zone territoriale composée de multiples Etats, l’Europe ; trois « géants », la Chine, la Russie et les Etats-Unis ; et sur un pays en pleine ascension, l’Inde.
La France a pris la présidence tournante de l’Union européenne depuis le 1er janvier pour six mois et sera suivie par la République Tchèque à partir du 1er juillet. Carambolage des évènements : les élections présidentielles françaises auront lieu en avril. Les répercussions seront indéniables.
La Chine devient de plus en plus agressive, mais semble s’isoler elle-même, tout en développant son gigantesque projet des « Nouvelles routes de la Soie ». Paradoxe ou subtile stratégie ?
La Russie est à l’offensive. Vladimir Poutine veut clairement restaurer la grandeur de la Russie éternelle. Et si après la Crimée et l’Ukraine, les oukases russes étaient dirigés vers d’autres pays de « l’étranger proche » ?
Aux Etats-Unis, la première année du président Joe Biden a été difficile, tant à l’intérieur (blocage, ou filibuster, des Républicains au Congrès) qu’à l’extérieur (conséquences du désastre afghan). Les Midterms (élections partielles des représentants à mi-mandat) seront déterminantes. Donald Trump n’a pas abdiqué et son poids politique reste réel.
L’Inde est un pays avec un fort poids démographique (1,3 milliard d’habitants). Elle s’impose désormais dans les stratégies visant à contrer l’influence de la Chine dans la zone indo-pacifique. Le Premier ministre Narendra Modi doit composer avec son puissant voisin et rival et trouver un équilibre géopolitique pour le pays.
LA CHINE
Au XXIème siècle, l’Asie est devenue le centre du monde géopolitique. Les événements, et leurs potentielles conséquences, sont scrutés quasi quotidiennement ; la Chine en particulier est l’objet de toutes les interrogations.
Les besoins en énergie, le déclin démographique, l’insuffisance de la croissance et de la productivité, et les dettes accumulées par les entreprises chinoises (cf l’entreprise de travaux publics « Evergrande ») fragilisent le modèle économique chinois, qui peut sembler aujourd’hui en train d’être dépassé.
Quatre sujets paraissent primordiaux pour 2022 :
- Autour du développement des « Nouvelles Routes de la Soie » : le développement de cet immense projet va, bien sûr, se poursuivre et plus particulièrement vers l’Europe (Balkans et Méditerranée), l’Amérique du Sud, l’Afrique et même l’Arctique, avec de nouveaux secteurs comme le digital.
- Autour de la poursuite de la stratégie chinoise dite des « neuf traits » : la ligne en neuf traits est la démarcation définie par la Chine et délimitant une portion de la mer de Chine méridionale, sur laquelle la Chine affirme détenir une souveraineté territoriale pour des raisons « historiques ». En juillet 2016, la Cour permanente d’arbitrage de l’Organisation des Nations unies a jugé que la Chine n’avait pas d’arguments légaux pour revendiquer les territoires délimités à l’intérieur de cette ligne, et que ses revendications n’étaient pas conformes avec la Convention des Nations unies sur le droit de la mer (UNCLOS 1982).
L’asie est devenue le centre du monde géopolitique
L’installation de l’armée chinoise sur les atolls et les îles de mer de Chine du Sud va s’intensifier car les tests des îles Paracels et Spratleys sont concluants : il n’y a pas de vraies réactions du côté américain.
- Autour de l’annexion de Taïwan » : dans son discours du 1er juillet 2021, à l’occasion du centenaire du Parti Communiste Chinois, le Président Xi Jinping a été très clair : « Réunifier la nation chinoise est le but historique du PCC et correspond aux aspirations du peuple chinois. » Taïwan redeviendra chinois, c’est une question de temps. La Chine est seulement à 161 kilomètres. Les exercices militaires chinois dans le détroit de Taïwan sont, en fait, des entraînements avant de passer à l’offensive.
- Autour de la « guerre » économique » entre les Etats-Unis et la Chine : l’économie chinoise s’est rapidement relevée de la pandémie, mais n’est pas vraiment florissante pour les raisons données plus haut. De là à entrer dans le « Piège de Thucydide » et imaginer une guerre militaire entre la Chine et les Etats-Unis… Ce concept de relations internationales désigne une situation où une puissance dominante entre en guerre avec une puissance émergente, la première étant poussée par la peur que suscite chez elle cette dernière du fait de sa montée en puissance. C’est typiquement le cas des Etats-Unis et de la Chine.
Cela reste difficilement envisageable pour 2022, car malgré les importantes augmentations du budget militaire chinois (en particulier pour la Marine), la force de frappe des Etats-Unis demeure sensiblement prépondérante.
> A suivre : Focus sur… Les perspectives géopolitiques 2022. 3/5 : la Russie