A moins de trois mois des élections présidentielles qui se dérouleront en France le 10 avril et le 24 avril, bien malin qui pourrait prédire quel sera notre prochain président ou notre prochaine présidente de la République. Une seule certitude : il n’y aura à l’arrivée qu’un seul ou une seule élue. Et une pléiade de cocus…
La première grande inconnue, nous la vivons partout en France avec effroi, c’est la propagation rapide de l’épidémie de Covid et les restrictions sanitaires qu’elle risque d’imposer : pas de rassemblement, pas de meeting politique, une campagne au rabais dans les réseaux sociaux et, à l’arrivée, la forte probabilité d’une abstention massive et, donc, d’une prime au sortant. Si chaque candidat de droite et de gauche peut donner libre cours à sa verve politique et présenter à sa guise son programme, il peut en aller différemment.
Les candidats à la magistrature suprême doivent bien comprendre que cette élection sera traversée par deux courants qui ne sont pas forcément antagonistes : d’abord le mistral nationaliste qui regroupe près de 40 % des suffrages en France si l’on veut bien coaliser les voix prévisibles de Marine Le Pen, Eric Zemmour, Valérie Pécresse, Nicolas Dupont-Aignan, Florian Philippot, François Asselineau et celles d’Eric Ciotti qui se porteront en grande partie sur Zemmour ou Le Pen. Ensuite, la tramontane écologiste qui balaye la plupart des anciens fiefs socialistes ou communistes et sera l’argument essentiel des candidats de gauche. L’ensemble des candidats de gauche ou d’extrême gauche totalise 25 % des voix selon les sondages. L’opportunité est donc unique pour la Droite de revenir, enfin, au pouvoir. Mais c’est aussi, ne l’oublions pas, la droite la plus bête du monde…
La troisième certitude électorale, c’est la défiance généralisée des Français de tous bords à l’égard du personnel politique et du « système ». Les électeurs sont lassés, épuisés par les discours politiques, les mensonges, les fausses promesses, et ils votent avec leurs pieds en se gardant de se rendre aux urnes. Néanmoins, comment accepter que la gauche minoritaire dans le pays gouverne la France et que la droite majoritaire perde à chaque coup ?
Emmanuel Macron lui, c’est l’acrobate. Il est prêt à tout pour continuer à déconstruire la France. Il a réussi jusqu’ici à avoir un pied au parti socialiste et « en même temps » un pied dans le camp du parti Les Républicains. Il jongle avec dextérité d’un camp à l’autre, en fonction des circonstances. Vous pouvez être à peu près certain qu’il vous ressortira la petite phrase magique du général De Gaulle : « moi ou le chaos ».
Entre deux provocations visant à diviser les Français, le funambule du « en même temps » va tenter de renouer avec ses « compatriotes » qu’il n’appelait plus que ses « concitoyens » depuis cinq ans. Il va surjouer la carte sanitaire pour maintenir sous cloche le corps électoral et continuer sa marche de guingois en bricolant tant bien que mal une alliance immature entre les élites mondialisées et les minorités gauchistes. Macron sera le candidat de la mondialisation financière et du gauchisme culturel.
L’ennui avec ce président-cataplasme, cet orfèvre du compromis, c’est qu’il sait d’ores et déjà que la « droite économique » vote aux deux tiers pour lui. « Parce que le vote par intérêt est un ressort au moins aussi fort que le vote de conviction », fait observer le plus cynique voltigeur de la droite Thierry Solère. On aura donc droit, de nouveau aux trémolos européistes et à la diabolisation du camp national, pourtant largement majoritaire mais incapable de proposer aux Français un « programme commun de la souveraineté de la nation » porté par un candidat commun.
Tout se passe comme si le scénario de cette élection était écrit d’avance : 66 % des électeurs de gauche plébiscitent une candidature unique et 70 % des électeurs de droite souhaitent la même chose. Comme chacun préfère continuer à faire cuire sa petite soupe dans sa petite marmite, la situation ne risque pas d’évoluer. Nous aurons droit au « grand éparpillement » des voix. Et nous risquons d’assister à ce spectacle affligeant des candidats de droite qui quémandent en permanence à la gauche et aux médias des brevets de républicanisme pour être admis dans le camp du « bien ».
C’est ce glissement idéologique qui a fini par diluer une partie de la droite dans le centre. Si les gauches et les droites ne se regroupent pas, elles finiront par « disparaître dans le brouhaha de leurs désaccords », fait observer avec lucidité le grand prêtre de la « remontada », Arnaud Montebourg. Attendez-vous donc comme d’habitude à des batailles d’égo, des pantalonnades émanant de Jean-Luc Mélenchon, le papy Mougeot de la créolisation, de Philippe Poutou, le zadiste illuminé, ou encore d’Antoine Waechter, le revenant emperruqué de la verdure. Valérie Pécresse, élue d’un parti plus que de sa base militante, aura de la peine à se singulariser car elle est prise en tenaille entre les Ciottistes-zemmouristes et les Macron-compatibles de son mouvement.
On a cru tout au long de l’automne que le thème central de cette campagne serait celui de l’identité française avec le duo Zemmour-Le Pen claironnant le même couplet sur le grand remplacement et l’impératif que la France reste la France. « Nos élites ne s’en rendent pas compte, mais j’ai des quartiers entiers dans l’Oise sans aucun Français », déplore Arnaud Dumontier, maire LR de Pont Sainte-Maxence. Mais Emmanuel Macron a décentré le débat sur le risque sanitaire et les « emmerdements » qui s’ensuivent.
Le plus probable est que notre pays continuera de péricliter, de s’islamiser et de s’archipéliser. M. Macron lui-même avait titré en 2017 son livre de campagne « Révolution » et il est devenu, par la force des choses, l’homme du statu quo. L’homme de l’endettement massif. Du déclin tranquille. Le prince des minorités. La seule issue pour la droite, c’est de s’assumer comme telle plutôt que de s’excuser face à la police de la pensée socialiste.
Le secret de son éventuelle victoire serait une alliance tacite entre la bourgeoisie patriote issue du « Ciottisme » et les classes populaires exaspérées par l’immigration invasive, l’insécurité et la « défrancisation » progressive du pays. Ce serait enfin, le triomphe de la Nation et le grand retour de la France. Mais, à moins d’un sursaut patriotique toujours possible, je ne crois pas trop à ce réveil identitaire car le mal est systémique et Winston Churchill l’avait déjà , en son temps, diagnostiqué en ces termes : « Il y a ceux qui, par amour pour leur parti, oublient leurs convictions et ceux qui, par amour pour leurs convictions, oublient leur parti. »
Hélas, ce sont toujours les premiers qui gagnent… Et pour les seconds, c’est toujours le grand bal des cocus.
José D’ARRIGO, rédacteur en chef du Méridional