Où voyager ? Comment préparer son voyage ? Est-il préférable de voyager seul ou à plusieurs ? Quel moyen de locomotion choisir ? Quels gîte et couvert ? Quand on est un voyageur aussi mordu que l’écrivain Stendhal (de son vrai nom Henri Beyle, 1783-1842), ces questions ne sont pas anodines. Mais tout d’abord, il en vient à une interrogation à la fois très terre à terre et philosophique : pourquoi voyager ? Dans « Stendhal et « le grand art de voyager » », Philippe Berthier se promène dans la pensée stendhalienne en analysant avec finesse et amusement le point de vue de l’écrivain sur un sujet aussi important que le voyage.
Différents écrivains se sont écharpés sur la plupart des idées humaines, le voyage ne fait pas exception à la règle. Il serait fastidieux de recenser leurs opinions. Citons tout de même quelques mots dans un sens et dans l’autre. Lorsque Madame de Staël et Baudelaire le « descendent » (« Amer savoir celui qu’on tire du voyage », a écrit le dernier nommé dans « Le voyage »), Stendhal le voit comme l’occasion rêvée de réponse à la soif de curiosité qui le travaille.
La connaissance des hommes
Une précision tout d’abord : Philippe Berthier s’accorde avec raison à signaler d’emblée qu’un écrivain comme Stendhal parle beaucoup de lui à travers ses personnages et ne boude pas les traits autobiographiques. C’est donc bien Stendhal lui-même que l’auteur nous fait suivre à travers l’analyse des aventures nomades, réelles ou imaginaires.
Sans avoir besoin de se rendre au fin fond de pays exotiques (pour l’auteur de « Promenades dans Rome », il faut un socle civilisationnel commun), le voyage permet de connaître mieux les hommes, « par échantillons » : n’est-ce pas là un des plaisirs philosophiques les plus anciens ?
Un écrivain aimanté par le Sud
Mais Stendhal – Philippe Berthier rend bien cet aspect-là – est aussi un voyageur qui a les pieds sur terre : il se déplace tout simplement pour le pur plaisir du vagabondage (remède contre les pentes dépressives) et pour l’ « héliotropisme », l’attrait du divin sud. Si Stendhal adore l’Italie, qui mêle soleil et raffinement culturel, Marseille est l’une des villes qu’il apprécie particulièrement. Destination de son premier amour de jeunesse, il y vécut presque un an avec une comédienne, et il y reviendra plusieurs fois par la suite. La Cité phocéenne est selon lui « la plus jolie ville de France » malgré ses mauvaises odeurs. La grève des collectes ménagères existait-elle déjà à cette époque… ?
Petit guide intemporel du voyage
Stendhal est un observateur-né : sous sa plume, les anecdotes et remarques savoureuses abondent. C’est sans conteste pour cela qu’on prend plaisir à retrouver par touches, sélectionnées et commentées avec finesse par Philippe Berthier, les récits et remarques de ses voyages. L’écrivain nous peint le voyage comme exercice du corps, de l’intellect et de l’âme, et par la même occasion, offre, en quelque sorte, un petit guide intemporel de cette pratique intimement attachée à la vie humaine.
Jeanne RIVIERE
« Stendhal et « le grand art de voyager » », Philippe Berthier, éditions Honoré Champion, octobre 2021, 204 pages, 38€.