On parle sans cesse de « réindustrialisation » et sans doute le thème est-il en effet à l’honneur en France : le retour des industries signe un « retour à la maison », signe positif d’un avenir davantage concentré sur les emplois et la fabrication en France. Fin novembre 2021, c’est pourtant une forme d’échec qui a été constatée à Marignane. Satys, le spécialiste du traitement de surface pour l’aéronautique, devait y implanter une usine, à proximité d’Airbus Helicopters, qui aurait profité de cette présence.
Le projet avait été annoncé en février dernier. Le dossier était prêt, avec « toutes les garanties nécessaires à une exploitation totalement sécurisée, respectueuse de ses salariés et de son écosystème environnant », selon le communiqué de l’entreprise, et les autorités locales et étatiques en avaient connaissance.
Des associations et des habitants pointent cependant la présente de Chrome VI et d’acide chlorhydrique, et redoutent des pollutions futures des eaux : les manifestations contre l’installation de l’usine se multiplient. Le maire de Marignane, Eric Le Dissès, demande officiellement au préfet et à la présidente de la Métropole Martine Vassal de ne pas autoriser l’installation. Fin novembre, le leader de la peinture d’aéronefs annonce qu’il doit geler son projet.
Une décision-échec
Pour un certain nombre d’acteurs de la vie économique de la région, la décision représente un échec. Au-delà de plus de 100 emplois non attribués, c’est symboliquement l’avenir industriel de la région qui est en jeu. Pour le Groupement maritime et industriel de Fos et de sa région, (qui représente les industriels au sein de l’organisation patronale UPE 13), « Notre territoire a bâti ces 50 dernières années son développement et ses emplois sur l’excellence de son industrie. Nous appelons l’ensemble des forces politiques, institutionnelles, économiques, syndicales et citoyennes à un sursaut afin de se remobiliser autour de notre industrie pour que des projets d’avenir, comme celui de Satys, qui contribuent au développement économique et social de notre territoire, puissent aboutir. »
« Toujours ailleurs »
Le même GMIF souligne une forme d’incohérence dans le rejet de l’installation de Satys, en un temps où sont encouragés les retours des industries en France : « Au moment même où des efforts d’une ampleur jamais égalée sont engagés pour réindustrialiser notre pays, comment comprendre que des projets industriels tels que celui-ci, imaginés en concertation et en accord avec l’Etat et les collectivités locales, implantés dans une zone (celle des Florides) créée à cet effet, soient rejetés ? »
« Le problème est bien celui du « volontiers mais pas chez moi » », souligne un ancien acteur de la vie politique régional, qui connaît bien les dossiers de l’industrie. « Si toutes les réglementations françaises et européennes sont respectées, allons-y ! Ou alors cette zone dynamique, à force de ne plus offrir d’emplois, ira vers une désindustrialisation. »
Le pragmatisme de Satys
Le sous-traitant aéronautique s’est montré pragmatique : « Nous avons entendu l’inquiétude grandissante exprimée par de nombreuses Marignanaises et Marignanais. » « Nous regrettons de ne pas avoir réussi à suffisamment convaincre du bien-fondé et de la qualité de notre dossier, et toujours soucieux d’un climat transparent et apaisé avec les communes où sont localisées nos bases industrielles, il nous apparaît nécessaire de geler le projet. » Une solution devra être trouvée rapidement par les acteurs locaux, au risque de décourager l’installation d’autres industries dans la région. Or, il n’y a pas de secret : les industries attirent les industries.
Raphaëlle PAOLI