Le dialogue a ses limites. Surtout lorsqu’on s’adresse à des murs. Les 25 commerçants de l’Escale Borély se sont réunis hier après-midi à Marseille et ils ont décidé de se déplacer en grand nombre le 17 décembre à la mairie de Marseille pour participer à leur manière au dernier conseil municipal de l’année. Puisque Benoît Payan, le maire socialiste les ignore et les méprise royalement depuis dix-huit mois, ils ont décidé de lui rendre une petite visite amicale pour le contraindre à les écouter.
« Nous avons écrit au maire de nombreux courriers recommandés et il ne daigne pas nous répondre, alors nous allons exercer un petit forcing sur le parvis de la mairie », confirme Henri Tulimiero, patron du restaurant « Les Mouettes » et président de l’association des commerçants de l’Escale Borély. Autour de lui, les 25 commerçants de l’Escale font chorus : « Il n’est pas question de dépendre de gens qui se moquent de nous », se sont-ils indignés.
Bernard Marty, président de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie, a d’ores et déjà prévenu qu’il serait en tête de cette manifestation : « Ça va barder avec la ville de Marseille, il faudra les forcer à nous recevoir ! » Certes, les commerçants sont tous d’accord pour reconnaître que le site de l’Escale est vieillissant et qu’il mérite une belle rénovation. Mais depuis le 1er juillet, leur contrat d’amodiation est  caduc et ils sont devenus ce que leurs avocats Eric Lanzarone et Thierry Chareyre appellent des « occupants sans droit ni titre », donc susceptibles d’être expulsés à tout moment.
Bien entendu, les commerçants de l’Escale n’ont pas l’intention de se laisser tondre comme des moutons. Ce silence des autorités suscite une rumeur qui serpente de commerce en commerce : la ville et le préfet laisseraient délibérément pourrir la situation et refuseraient de proroger les contrats des commerçants car ils auraient dans l’idée de tout raser et de confier à de puissantes sociétés immobilières le soin de construire une marina en bord de mer pour l’accueil des jeux olympiques de 2024…
La saleté du site, l’éclairage défectueux, l’invasion de rats la nuit  venue, la végétalisation des lieux, le maintien d’une bonne sécurité les jours d’affluence, ce sont des difficultés connues mais elles n’ont rien d’insurmontable. En revanche, l’installation de nouveaux venus pour un projet maritime pharaonique, ne passera pas comme une lettre à la poste.
Christophe Auribeau, le patron du « Greewich » est conscient qu’il faut investir plusieurs millions d’euros pour embellir et « relooker » ce site emblématique de Marseille. En attendant, la Ville et l’Etat se livrent à une étrange séance de ping-pong pour se rejeter la responsabilité d’un énorme gâchis commercial et touristique.
Selon certaines informations qui ont filtré de l’Hôtel de Ville, il semblerait que la mairie soit disposée à demander une prorogation d’un an des baux commerciaux à partir du 1er janvier.
Les avocats des commerçants et certains élus de droite ont expédié cinq lettres recommandées à Benoît Payan qui n’a répondu à aucune. L’adjoint responsable à la mer, lui, reste désespérément muet alors que l’affaire le concerne au premier chef s’agissant du domaine maritime. Comme les commerçants ne peuvent pas se résoudre à une occupation « précaire et irrégulière » qui leur interdit tout investissement, ils ont décidé de ruer dans les brancards.
Comble d’infortune : la législation européenne oblige désormais une mise en concurrence des titres domaniaux. Et c’est le droit olympique qui risque de prévaloir sur le droit français s’agissant de ce site exceptionnel. « Il n’est pas question de perdre nos commerces dans lesquels nous avons engagé toutes nos économies et travaillé d’arrache-pied durant trente ans, souligne Henri Tulimiero, si nous ne sommes pas entendus, les pouvoirs publics doivent savoir qu’ici c’est notre pain quotidien. Il n’est pas question de partir et s’il faut faire le coup de poing, nous le ferons ! »
Le bureau de l’association des commerçants, démissionnaire, a été reconduit avec Henri Tulimiero, Frédéric Mousson (l’Equinoxe), Christophe Auribeau (Le Greenwich), Martine Madoire, Claude Coupe (Banana Moon), Jérémy Baran , Fabien Bastard, Simon Dray (le glacier), Thierry de la « Rhumerie » : tous sont désormais en première ligne contre les étranges manigances qui se préparent.
José D’Arrigo, rédacteur en chef du Méridional