Quand elle parle de son métier, ses yeux brillent et ses mains dessinent dans l’air des courbes invisibles. En ce moment, Elodie Caserta travaille sur un site de l’Antiquité tardive dans le sud de la France. Après cela, elle se rendra en Espagne, en Italie, puis en Roumanie. Il n’est pas difficile de comprendre que l’on a affaire à une passionnée de l’archéologie. A l’occasion des Journées européennes de l’Archéologie, qui se tiendront du 18 au 20 juin, Le Méridional a pu évoquer avec elle ce métier fascinant et sans doute intrigant pour le grand public.
Elodie Caserta, en quoi consiste le métier d’archéologue aujourd’hui ?
Il est amusant de remarquer qu’il y a plusieurs siècles, pour désigner un archéologue, on parlait d’un « antiquaire ». Le métier d’archéologue s’inscrit aujourd’hui dans une démarche scientifique et surtout pluridisciplinaire qui permet au chercheur de pouvoir répondre à une problématique précise par le biais de la fouille.
L’archéologue collecte toutes les informations qui ressortent de cette fouille pour modeler des réponses aux problématiques posées dans le travail en amont des fouilles. Les traces du passé comme les céramiques, les sépultures, les bâtiments nous donnent à comprendre le passé via les traces matérielles qui subsistent.
D’où vous vient cette passion ? Et la passion de votre spécialité ?
C’est dans ces moments-là que j’aimerais pouvoir répondre de façon romanesque ! C’est vrai, l’origine de la passion d’un archéologue représente un moment exaltant. Je devais avoir environ 6 ans quand j’ai dit à mes parents que je voulais être « archéologue des momies ». La passion ne m’a depuis jamais quittée, j’ai seulement compris avec l’âge et mes lectures qu’archéologue des momies, c’était anthropologue… et que la place de l’anthropologue en archéologie est importante : ce sont les sociétés vivantes qui enterrent leur mort, on apprend énormément d’une société grâce aux sépultures. Et pour ce qui est de ma passion pour l’anthropologie, au-delà de la portée scientifique, j’aime voir que par le passé aussi, on s’occupe de quelqu’un qu’on aime, qui a eu une place dans la société, tout simplement.
« Anthropologie funéraire » : que désigne l’expression exactement ?
L’anthropologie funéraire ou archéologie de la mort est une discipline qui s’est développée en parallèle de l’archéologie préventive depuis les années 1980. Cette discipline permet d’appréhender la façon dont les hommes du passé abordaient la mort en analysant la typologie des sépultures, les pratiques funéraires, les dépôts d’objets et le squelette lui-même. L’étude du squelette donne à elle seule une multitude d’informations : démographie, régime alimentaire, maladies, etc. L’anthropologie funéraire veut donc simplement comprendre les sociétés du passé via le monde des morts.
En quoi le métier d’archéologue est-il essentiel, pour les générations présentes comme pour les générations futures ?
Nicolas Machiavel a écrit : « Pour prévoir l’avenir, il faut connaître le passé. » C’est en quelque sorte ce que je pense de l’archéologie. Elle nous permet de connaître les événements du passé pour des périodes comme la préhistoire; à l’époque, la documentation n’existe pas. L’archéologie nous permet de voir comment nos ancêtres ont réagi face à des événements comme des épidémies par exemple, chose qui nous est à l’heure actuelle bien familière.
Au-delà de cet aspect évident, nous réfléchissons aux questions de culture : pourquoi se cultiver ? L’archéologie, longtemps associée à la découverte du bel objet, du trésor, s’attache aujourd’hui à rendre visibles les sociétés du passé et contribue ainsi à une meilleure compréhension de notre monde actuel.
« L’archéologie est davantage qu’une science indispensable à la compréhension de notre humanité : c’est un acte militant dans la volonté d’opposer la connaissance à la folie destructrice. » Irina Bokova, directrice générale de l’UNESCO (La Lettre de l’Inrap n° 2, 2e trimestre 2015)
De quelle nature sont vos missions ?
Les missions en archéologie peuvent être de plusieurs natures. Cela dépend surtout de quel organisme les archéologues dépendent, mais en règle générale les missions de l’archéologue sont : la prévention (les diagnostics, fouille préventive), la recherche (fouille programmée, communication scientifique, article), la valorisation (exposition, conférence, journée thématique), l’éducation et la formation.
L’archéologue réfléchit à une hypothèse, la confirme ou l’infirme par la fouille, la présente à la communauté scientifique et enfin la présente au public de façon plus vulgarisée afin que l’information soit partagée. C’est clairement un partage du savoir.
Travaillez-vous avec des équipes internationales ?
A titre personnel, j’essaie de faire des missions à l’étranger pour voir ce qui se passe au niveau des laboratoires en dehors de la France. Il est toujours bon d’avoir des expériences à l’étranger et d’exercer son esprit critique concernant les méthodes différentes que nous employons au niveau par exemple de l’anthropologie. Pour ce qui est des fouilles, des projets internationaux sont souvent mis en place sur des chantiers, ce qui est un atout du point de vue financier et scientifique.
En quoi pensez-vous que des événements comme les Journées Européennes de l’Archéologie sont importantes pour le public ?
Les JEA viennent rejoindre les missions de l’archéologue qui sont de vulgariser et partager. L’information scientifique n’a de sens que si elle est débattue dans le contexte scientifique, mais surtout et aussi communiquée au public. Comme beaucoup de métiers, l’archéologie est un métier de partage et de passion, archéologues professionnels et étudiants se réunissent donc pour ces journées afin de donner à voir et à comprendre notre passé à tous. Venez découvrir et partager avec nous notre passion et des anecdotes historiques partout en Europe !
Propos recueillis par Jeanne RIVIERE
Du 18 au 20 juin 2021, partout en France, des ateliers, visites de sites, activités etc. sont disponibles. Le programme est à retrouver sur le site des Journées européennes de l’Archéologie 2021.