
Deux matchs, deux victoires, et un premier frisson pour une discipline qui prend enfin la lumière. La section amputés de l’Olympique de Marseille a signé un week-end parfait au Campus, en dominant successivement le Paris FC puis l’ES Lanfonnet. Une entrée en matière idéale pour lancer le tout premier Championnat de France de football pour amputés, accueilli par Marseille comme un symbole sportif et humain.
Marseille, théâtre d’une première historique
Pendant deux jours, l’OM Campus s’est transformé en laboratoire d’un football encore méconnu du grand public. Pour la première fois, la Fédération Française Handisport organisait une compétition nationale officielle dédiée aux joueurs amputés. Trois clubs ont répondu présent : l’OM, le Paris FC et l’ES Lanfonnet. Trois équipes seulement, mais une énergie qui a vite fait oublier la modestie du plateau. Au bord du terrain, une soixantaine de spectateurs par match, des familles, des curieux, et cette impression de vivre une naissance.

Pour Marseille, cette discipline est déjà bien plus qu’un concept. En moins d’un an, le club a monté une section structurée, intégrée au quotidien olympien, parrainée par Romain Alessandrini, et portée par une ambition claire : faire de l’OM une vitrine du football amputé en France.

Comment ça marche
Les joueurs de champ évoluent sur béquilles, sans prothèses ; le gardien, lui, garde ses deux jambes mais n’a l’usage que d’un seul bras. Une adaptation des règles qui crée un football nerveux, direct et profondément stratégique. En compétition internationale une équipe est composée de 7 joueurs (6 joueurs de champ, un gardien, et de 5 ou 6 remplaçants). Le jeu se pratique sur un terrain de 60 x 40 mètres maximum, sur pelouse ou en salle sur un terrain de Hand ou de Basket. La durée des matchs se décompose en deux périodes de 25 minutes avec une pause de 10 minutes.

Un OM – Paris FC haletant pour lancer les débats
Samedi soir, c’est un choc entre clubs de Ligue 1 qui a ouvert la compétition.
Les Marseillais, encore en pleine découverte pour certains, ont livré une performance généreuse et rythmée, l’emportant 3–2 au terme d’une rencontre qui n’a trouvé de vainqueur que lors des dernières minutes. On y a vu ce qui caractérise ce football : une densité tactique surprenante, des accélérations, un jeu réduit aux essentiels, mais intense. Cette première soirée marseillaise a aussi mis en lumière un homme : Romain Abellan, buteur deux fois, dont une reprise de volée qui a réveillé tout le Campus.

L’histoire est d’autant plus forte que l’attaquant, ancien semi-pro, a dû être amputé après une infection contractée lors d’une opération du genou. Au Campus, il a retrouvé ce qu’il croyait perdu : le stress de la compétition, l’adrénaline d’un duel, la joie simple du vestiaire.

Un deuxième succès face à l’ES Lanfonnet
Vingt-quatre heures plus tard, rebelote.
Cette fois face à l’ES Lanfonnet, une formation venue de Haute-Savoie qui développe elle aussi la discipline depuis plusieurs années. Le scénario fut moins chaotique que la veille, mais tout aussi intense. L’OM s’est imposé 2–0, proprement, sans jamais lâcher le fil du match.

Et comme la veille… Romain Abellan y est encore allé de son doublé. Deux matchs, quatre buts : difficile d’imaginer meilleur ambassadeur pour ce championnat en devenir. La victoire marseillaise n’a jamais vraiment tremblé. Les Haut-Savoyards ont résisté, parfois bousculé, mais l’OM disposait d’un jus supplémentaire, probablement porté par l’ambiance d’un Campus conquis.

Un club impliqué, un public touché
Ce week-end n’a pas simplement validé un début de championnat. Il a offert une vitrine.
Dans les tribunes, beaucoup découvraient ce football. Les réactions étaient les mêmes : surprise d’abord, admiration ensuite. La vitesse, la coordination sur béquilles, l’intelligence de jeu… tout cela rappelle que le haut niveau ne dépend pas d’un format corporel, mais d’une exigence.

Les proches jouent aussi un rôle immense. Certains vivent ce championnat comme un accomplissement, et derrière chaque joueur, il y a un bout de famille qui pousse.

Une discipline qui grandit, un OM qui montre la voie
Le football amputé a été inventé aux États-Unis dans les années 80, avant de se structurer progressivement autour de la WAFF (World Amputee Football Federation). Aujourd’hui, une trentaine de sélections nationales existent, et des compétitions mondiales ont lieu tous les deux ans. En France, la structuration est récente : une première équipe en 2007, une reconnaissance officielle par la FFH en 2025, et désormais un championnat à trois équipes qui veut servir de tremplin.

L’affiliation aux instances internationales arrive dès 2026. Le chantier est immense, mais l’élan est réel. Et l’OM, par son engagement matériel, médiatique et humain, montre qu’un club professionnel peut changer l’équilibre d’une discipline.

Un départ parfait… et une suite déjà attendue
Avec deux victoires en deux matchs, l’OM prend les commandes d’un championnat où chaque point comptera.
Les prochaines journées auront lieu à Paris puis à Lanfonnet. Si les Marseillais confirment cette dynamique, ils pourraient rapidement viser plus haut : la perspective d’une Ligue des Champions existe pour le futur champion de France.

Mais au-delà des résultats, ce week-end a laissé une impression forte : celle d’un sport spectaculaire, exigeant, profondément humain, qui gagne à être connu. Et celui d’un club, l’OM, qui a décidé d’en devenir un moteur.

Joseph Poitevin
Photos : Alain Robert – Le Méridional


















