Chaque 2 février, Marseille s’éveille aux premières lueurs du jour pour célébrer la Chandeleur à l’abbaye de Saint-Victor. Entre ferveur populaire, tradition séculaire et bénédiction des biscuits à la fleurs d’oranger, cette fête dépasse le cadre religieux pour s’ancrer au cœur de l’identité marseillaise.
La Chandeleur, célébrée 40 jours après Noël, est à Marseille une tradition enracinée dans l’histoire spirituelle et culturelle de la ville. Toute la France s’apprête à manger des crêpes, mais les Marseillais attendent avec impatience la fabrication de leurs navettes. Ces petits biscuits secs à la fleur d’oranger embaument, chaque 2 février, tout le quartier Saint-Victor.
Ce matin encore, se sont mêlés symbolisme chrétien, mémoire historique et ferveur. Ce qui explique l’engouement populaire suscité par la procession à l’aube entre le Vieux-Port et l’abbaye de Saint-Victor.

Cette année, les réveils ont sonné à 5 heures du matin, mais pour les fidèles et les adeptes de cette tradition bien ancrée, peu importe le jour et le temps qu’il fait.
Tout le monde est là, sur le Vieux-Port : jeunes lycéens, étudiants portant fièrement les bannières de leurs écoles, paroissiens venus entre amis ou en famille des quatre coins des quartiers de la ville. Le jour n’est pas encore levé, tous sont rassemblés dans le silence d’un recueillement qui prend au ventre.
⏳ À Marseille, la #Chandeleur ne se résume pas aux crêpes. Chaque année, la bénédiction du Four des Navettes et la procession à Saint-Victor réunissent croyants et gourmands dans un même élan. ⤵️@FOURDESNAVETTES @marseille @DioceMarseille @Marseillecentre pic.twitter.com/Bqz6NwEvSZ
— Le Méridional (@LeMeridionalOff) February 2, 2025
Une lumière à la main, comme pour s’éclairer et se réchauffer les uns les autres, ils chantent en murmurant en accueillant le bateau de l’école de la marine marchande qui s’approche lentement du quai.
L’équipage, composé de jeunes élèves, remet à l’autorité religieuse les évangiles qui viennent de la mer. Chacun mesure alors, dans les lueurs du jour qui se lève, qu’il s’agit bien là d’un rituel mille fois reproduit marquant l’arrivée des évangiles en Provence.
Un cortège se forme autour et derrière la Vierge Noire, direction l’abbaye de Saint-Victor, l’un des plus anciens sanctuaires chrétiens de France, point de connexion entre le passé et la foi vivante d’aujourd’hui.
La procession arrive jusqu’au parvis de Saint-Victor, où Jean-Marc Aveline, cardinal de Marseille, et le cardinal de Barcelone attendent que le cortège, qui s’étire dans la rue Sainte, arrive enfin pour qu’ils bénissent la ville, les cierges verts et la foule amassée sur le parvis et dans l’église.

Il est six heures du matin, la messe peut alors commencer et il faut vivre ces moments-là pour comprendre que la Chandeleur à Saint-Victor est bien plus qu’une célébration religieuse. C’est un moment d’identité collective pour les Marseillais, croyants ou non. Les processions, les cierges verts, les chants et la bénédiction de la foule témoignent de l’attachement des habitants à leurs racines.
Et puis, il y a la Vierge Noire, figure religieuse et culturelle entourée de mystère et d’interprétations variées. Elle est avant tout une représentation de la Vierge Marie, mais ses significations vont bien au-delà du christianisme. C’est une figure fédératrice qui fait le lien entre des croyances chrétiennes et d’anciennes figures païennes, favorisant un dialogue entre les cultures. La résonance est alors évidente dans une cité qui sait si bien nourrir le dialogue interreligieux au quotidien.

Cette bénédiction, qui se déroule chaque année à la Chandeleur, est devenue un symbole des traditions marseillaises. C’est pourquoi, tous les ans, les riverains et élus sont présents aux côtés du cardinal de Marseille à l’occasion de la cérémonie de bénédiction des navettes. C’est bien qu’il y a là, autour du four qui vient d’être béni, ce biscuit légendaire qui donne encore de quoi parler et alimenter les croyances.
Et d’ailleurs, pourquoi cette forme de gâteau ? La version la plus répandue explique que la navette symbolise la barque qui amena les Saintes Maries sur les côtes provençales. Pour rappeler cette histoire, Monsieur Aveyrous, fondateur du Four en 1781, aurait eu l’idée de donner à un biscuit la forme d’une barquette.
Laissons courir les imaginations, et puisque c’est dimanche, parlons-en en famille. Bonne fête de la Chandeleur !
Philippe Arcamone
