Peines de prison ferme requises au procès des effondrements de la rue d’Aubagne

Des peines de prison ferme ont été requises, ce jeudi 12 décembre, au procès des effondrements mortels de la rue d’Aubagne, ayant fait huit morts en 2018. Julien Ruas, ex-adjoint au maire, risque trois ans de prison. Les peines de prison ferme vont de deux à cinq ans pour les autres prévenus.

Ce 12 décembre 2024, le procès des effondrements mortels de la rue d’Aubagne a franchi une étape cruciale avec les réquisitions du procureur Michel Sastre, soutenu par Nicolas Bessone, procureur de la République de Marseille. « Il me paraissait important, dans un réquisitoire-bilan de l’habitat indigne dans la deuxième ville de France, que le procureur de Marseille soit là pour porter la parole publique et la parole de la société. »

En soulignant l’ampleur du drame, Nicolas Bessone a insisté sur l’idée que cette catastrophe allait bien au-delà d’une simple affaire judiciaire : « C’est une blessure profonde dans le cœur de Marseille », a-t-il déclaré, appelant à punir ceux qui ont transgressé la loi, pour rendre justice aux victimes. « Il est de la quintessence du rôle du ministère public de protéger les plus faibles », a-t-il conclu, évoquant les huit vies perdues tragiquement.

Ce procès n’est pas simplement une affaire judiciaire. « Les effondrements ne doivent rien à la fatalité, au hasard et encore moins à la pluie », a rappelé Nicolas Bessone en ouverture du réquisitoire, soulignant que cette catastrophe est le fruit de la négligence et du manque d’action des responsables.

Le procureur a invité le tribunal correctionnel de Marseille à prononcer « un jugement à vertu pédagogique » à l’encontre de la quinzaine de prévenus appelés à la barre, suite aux effondrements mortels de plusieurs immeubles survenus dans le quartier de Noailles le 5 novembre 2018.

Des réquisitions lourdes et symboliques

Julien Ruas, ancien adjoint au maire de Marseille, Jean-Claude Gaudin, en charge de la prévention et de la gestion des risques urbains, est l’une des figures centrales de ce procès. Pour lui, le procureur Michel Sastre a requis une peine de trois ans de prison ferme et une amende de 45 000 euros. Il est considéré comme « auteur indirect » du drame, son comportement étant jugé « blâmable » et « inadmissible ».

Les réquisitions pointent l’inaction de la municipalité et l’absence de mesures de contrôle pour éviter de tels drames malgré la connaissance du nombre élevé de logements insalubres dans la ville. « Les 40 000 logements insalubres, il fallait les chercher, on ne l’a pas fait », a insisté le procureur Sastre, soulignant la responsabilité de ceux en charge de la sécurité des habitants.

Les peines les plus sévères concernent également d’autres prévenus, dont l’architecte-expert Richard Carta, pour qui une peine de deux ans de prison ferme est requise, ainsi qu’une amende de 45 000 euros et une interdiction d’exercer.

Le copropriétaire et ancien adjoint de Renaud Muselier, Xavier Cachard, risque cinq ans de prison avec sursis, assortis d’une amende de 150 000 euros. En tout, les peines de prison ferme sont requises pour cinq autres copropriétaires du 65 rue d’Aubagne.

Le procureur de la République a également demandé la condamnation du syndic du 65 rue d’Aubagne ainsi que de son gestionnaire de copropriété, les accusant de ne pas avoir pris en compte les multiples alertes concernant la fragilité des immeubles.

Selon le ministère public, ces responsables ont fait preuve d’une négligence délibérée en retardant les travaux nécessaires, agissant dans un souci immédiat de réduire les coûts au détriment de la sécurité des locataires. Le procureur a requis une amende de 100 000 euros à l’encontre du syndic et une peine de 30 mois de prison ferme, accompagnée d’une amende de 30 000 euros et d’une interdiction d’exercer toute fonction liée à l’habitat pendant cinq ans pour le gestionnaire de copropriété de l’époque.

En ce qui concerne Marseille Habitat, bailleur social propriétaire du 63 rue d’Aubagne, le ministère public a demandé une amende de 200 000 euros, soulignant la responsabilité de l’organisme dans la gestion des bâtiments insalubres de la ville.

Une tribune collective pour aller au-delà du procès

À la veille des réquisitions, une tribune publiée dans le Club Mediapart par 18 associations et syndicats a souligné la dimension systémique du mal-logement à Marseille. Ces organisations dénoncent le « cynisme du business de la rente » et ses racines politiques.

Selon elles, « les mécanismes du système de l’exploitation du mal-logement ne pourront être ni dénoncés, ni jugés » dans le cadre de ce procès. Elles appellent donc à la création d’une commission d’enquête parlementaire sur l’habitat indigne, soulignant que ce procès ne permet de juger qu’une partie des responsabilités et ne traite pas des causes profondes du phénomène.

Les prévenus comparaissent pour homicides involontaires, blessures involontaires et soumission à des conditions d’hébergement indignes. Ils encourent jusqu’à dix ans de prison. Le procès des effondrements de la rue d’Aubagne s’achèvera le 18 décembre 2024, avant qu’un jugement ne soit rendu en 2025.