International – L’histoire d’un prêtre vietnamien des Hauts Plateaux

Le père Tis devant l’église de son village natal, construite dans le style traditionnel bahnar © MCN DR

Originaire de Mang La, un village en aval de la rivière Bla sur les Hauts-Plateaux, le père Pierre Tis est un prêtre catholique d’origine bahnare. Envoyé en France dans le cadre d’un parrainage grâce à Monseigneur Seitz, il est devenu prêtre à la Basilique du Sacré-Cœur de Montmartre. Très attaché à ses origines, il est impliqué dans la vie du diocèse de Kontum.

> A voir aussi : International – L’église catholique du Vietnam au service du peuple des Montagnes

Marie-Charlotte Noulens : Des Hauts Plateaux à Paris, pouvez-vous nous raconter votre histoire ?

Père Tis : Mon enfance au Vietnam, je l’ai vécue dans un pays en guerre. Mon père, catéchiste du diocèse de Kontum, m’a placé en pension très tôt chez les sœurs de la Charité. Ainsi, à dix ans, j’étais déjà loin de la maison. Je suis arrivé dans la Somme en 1970 dans le cadre d’un parrainage créé par Monseigneur Seitz entre la France et le Vietnam afin de pouvoir étudier.

une enfance dans un pays en guerre

Je m’en souviens très bien. Il y avait du brouillard et il faisait très froid. A l’époque, l’évêque souhaitait créer une élite intellectuelle bahnare. J’ai donc été envoyé en France dans l’optique d’un retour six ans plus tard mais l’histoire en a décidé autrement. En 1975, le Sud devient communiste. Les frontières se ferment. Je ne peux plus rentrer chez moi. Je suis resté quatre ans sans nouvelles. En 1979, j’ai pris mon courage à deux mains et j’ai réussi à reprendre contact avec ma famille. Mon père avait survécu de justesse à la guerre civile.

« je suis resté quatre ans sans nouvelles »

J’ai été ordonné prêtre et j’ai obtenu ma naturalisation française en 1991. Cette même année, j’ai pu retourner en visite dans mon village. Ce fut l’un des plus beaux moments de ma vie. C’est difficilement descriptible. Un mélange de grande joie et de douleur au moment de repartir. Cela a été un tournant dans ma vie, une page très forte et indélébile qui a forgé ce que je suis. Depuis ce jour, j’ai décidé d’aider mon peuple et de m’impliquer dans sa vie. Je reviens deux fois par an pour apporter mon soutien à l’Eglise sur les Hauts Plateaux et dans l’éducation des Montagnards.

> A voir aussi : Regards sur le monde – Nouveau consulat français à Mossoul : un symbole historique

M-C N. : Quelle est la situation des catholiques sur les Hauts Plateaux ?

Père T. : Les chrétiens montagnards sont majoritaires dans le diocèse de Kontum mais il y a peu de prêtres montagnards. Il y en a actuellement six dans le diocèse ainsi qu’un diacre et environ vingt séminaristes au grand séminaire de Huê, dans le Centre du pays. La formation est assurée par les sulpiciens. Il faut aussi souligner l’existence d’une congrégation, de près de 200 religieuses uniquement montagnardes : les sœurs de la Médaille Miraculeuse. Elles sont présentes dans les petites communautés auprès des villages. Leur présence est précieuse.

une présence précieuse de 200 religieuses

Dans certaines régions du Vietnam, il n’y a pas d’église. Mais Dieu trouve toujours son chemin. En tant que prêtre, il faut être attentif pour accompagner et éduquer les jeunes à une foi qui s’appuie moins sur la communauté. La foi chrétienne des jeunes est particulièrement à l’épreuve de la modernité, des technologies nouvelles, de l’exode rural. Cette foi, qui a passé tant d’épreuves de feu grâce notamment à la présence des catéchistes chefs de communautés en l’absence des prêtres et à la pratique communautaire, devra s’approfondir, et devenir davantage personnelle.

Propos recueillis par Marie-Charlotte NOULENS

© DR

Marie-Charlotte Noulens est journaliste depuis cinq ans. Elle est passée par la presse locale en Normandie avant de travailler à Bangkok pour « Asie Reportages ». Elle a rejoint ensuite le magazine « Aider les autres à Vivre », pour lequel elle écrit sur des sujets de société, principalement dans des zones touchées par la guerre ou encore, autour de la précarité en Afrique, au Moyen Orient et en Asie du Sud-Est. Elle se déplace à l’étranger et livre dans les colonnes du Méridional ses analyses sur l’actualité internationale.