Territoire – Cafés, hôtels, restaurants : l’appli « Xtras »… c’est extra

Les acteurs du projet : créateurs, partenaires, UMIH, Pôle emploi, Office de Tourisme de Marseille © OTCM

« Une robe de cuir comme un oubli, Qu’aurait du chien sans l’faire exprès, Et dedans comme un matin gris, Une fille qui tangue et qui se tait, c’est extra, c’est extra, c’est… XTRAS ! »

Léo Ferré pourrait aisément reprendre aujourd’hui les paroles de sa chanson-culte : « C’est extra » pour répondre aux besoins des cafetiers, hôteliers et restaurateurs souvent en panne de personnel depuis l’apparition de la Covid. Il pourrait « habiller » de désir la profession de serveur ou de commis de cuisine qui, c’est un fait, ne fascine plus les foules. Est-ce un effet de la pandémie et des périodes de chômage indemnisées par l’Etat ? Est-ce plutôt une nouvelle attitude de la jeune génération, plus friande d’une rémunération que d’un revenu ?

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En tout cas, Marc Thépot, directeur de l’office de tourisme de Marseille et lui-même hôtelier de renom, a fait l’éloge d’une appli nouvelle intitulée « Xtras » qui permet en un tournemain de dénicher « l’extra de ses rêves » pour telle ou telle soirée qui promet d’être très prisée. Les candidats se bousculent au portillon car ils adorent ces « missions ponctuelles », payées une centaine d’euros la soirée, rémunération qu’ils s’empressent de dépenser le lendemain en sortant avec leur copain ou leur copine…

Des jeunes friands de missions courtes

« Moi j’ai organisé deux services distincts avec des employés différents, explique Jean-Baptiste, gérant du « Baletti », restaurant « épicurien et populaire » sur le port de Marseille. Le premier se déroule de huit heures à dix-sept heures, le second de dix-sept heures à deux heures du matin. Si j’ai besoin de renforts, j’actionne l’appli gratuite « Xtras » et j’obtiens plusieurs réponses de candidats potentiels dans les deux heures qui suivent. On constate que les jeunes ne sont plus forcément en recherche de contrats à durée indéterminée mais plutôt de missions fixées dans le temps, qui leur permettent de postuler un jour ou deux dans la semaine. A nous les gérants de leur donner envie de rester chez nous par une attitude exemplaire… »

Bernard Marty, président de l’union des métiers et des industries de l’hôtellerie dans la région sud et la région Corse, est exactement du même avis. Il n’est pourtant pas de la « génération zapping » qui passe cinq à six heures par jour sur son smartphone. « On participe à mille pour cent à cette initiative qui favorise l’emploi et je me mets au diapason de l’office de tourisme et de Marc Thépot pour encourager tout ce qui peut favoriser l’emploi dans nos professions, affirme-t-il. De nombreux contacts ont été rompus à cause de l’interruption de la Covid et je suis très favorable à cette appli qui permet une mise en relation quasi immédiate entre employeurs et employés. »

Valoriser des métiers qui en ont besoin

Pascal Blain, directeur de Pôle Emploi dans la zone sud et sa directrice territoriale déléguée Aude Fredenucci ont également applaudi des deux mains à cette mise en relation ultra-moderne car elle permet aussi de valoriser des métiers qui souffrent d’un déficit d’image et doivent impérativement la restaurer en renouant avec une confiance réciproque. Car ce qui est nouveau, c’est la notation réciproque des patrons et des employés qui s’inscrivent dans la même démarche pragmatique du meilleur service au meilleur prix.

plus de 9 000 Emplois disponibles

Chacun d’eux peut ainsi acquérir des points qui qualifient leurs compétences et mesurent leur exemplarité. Ou pas. Il est vrai que les besoins sont énormes dans la région sud : pour une année complète les professionnels de la Région Sud ont besoin de 52 000 employés… Il s’agit donc de ramener les « déserteurs » au bercail en transformant la simple estime professionnelle en confiance réciproque. Plus de 9 000 offres d’emploi sont encore disponibles dans ces métiers de l’hôtellerie et de la restauration.

« Si l’on a envie de faire plaisir aux clients, on a déjà parcouru 80 % du chemin », fait observer Jean-Baptiste Vignau qui a déjà recensé 1 400 employés sur son application et enregistré 1 800 téléchargements. L’appli pose trois questions fermées aux employés et trois autres questions fermées aux dirigeants pour faire « matcher » leurs annonces parfaitement. « Mon objectif est d’élever les gens et de faire monter leur niveau de compétence », ajoute-t-il. Car les jeunes à qui l’on met le pied à l’étrier s’en tirent souvent fort bien et deviennent eux-mêmes des chefs d’entreprises au bout de quelques années.

La fourmi plutôt que la cigale

Les jeunes n’ont-ils pas intérêt à rester bien au chaud au chômage plutôt que d’aller galérer dans un restaurant blindé un samedi soir ? La responsable de pôle-emploi a été très claire : c’est non. La rétribution du travail est toujours plus importante que les indemnités liées au chômage. En outre, cette appli-miracle va permettre, selon Marc Thépot, de fidéliser les emplois existants, ceux qui ont porté le chapeau de la polyvalence durant la Covid et sont très heureux de voir leur charge enfin réduite par « de petits mains » de nouveau à l’ouvrage. L’appli permettra aussi, disons-le, de faire face à l’incivisme de certains travailleurs occasionnels qui préfèrent jouer à la cigale qu’à la fourmi. La confiance réciproque devrait, peut-être, pallier cet inconvénient « sociétal » inhérent aux nouvelles mœurs de la nouvelle génération pour qui la valeur « travail » reste une donnée aléatoire, voire superfétatoire.

José D’Arrigo, rédacteur en chef du Méridional