L’édito de Francis Papazian, président du Méridional : une Vème République qui montre ses limites

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Dix jours après l’élection présidentielle, et alors que la course des législatives 2022 est lancée, retrouvez l’édito-analyse du président du Méridional, Francis Papazian.

Voilà donc un peu plus d’une semaine que les urnes ont livré leur verdict après un « suspens insoutenable » et ce qu’il est convenu d’appeler la « classe politique » (avec ses bons élèves et ses cancres !) est en campagne pour le troisième tour de cette élection présidentielle, le scrutin législatif.

Le quinquennat exige cette homothétie et crée invariablement depuis 2002 et la fin du premier mandat de Jacques Chirac les ralliements des uns et les rodomontades des autres dans les heures qui suivent l’élection du Président – la formule « M/Mme 20H02 » a d’ailleurs inventée depuis.

Mais prenons le temps de l’analyse de ce qui se passe sous nos yeux, habitués au sensationnel et à l’écume des informations (sauf pour les lecteurs du Méridional évidemment !)

La fin des appareils

C’est bien la fin des partis politiques, des « appareils » qui s’affiche. Une désagrégation profonde, entamée lors de l’élection d’Emmanuel Macron en 2017, et qui arrive à son terme avec l’apparition d’Eric Zemmour et la réélection du président actuel.

Et le Parti Socialiste alors ? Eh bien, figurez-vous, « pas de son pas d’image » ! Un score indigent. 1,7% au premier tour, et pas de remise en question, pas de perspective. La gouvernance se remet-elle en cause ? Nul ne le sait. Peut-être réfléchissent-ils à vendre d’autres immeubles après Solferino en 2017… Les dernières heures montrent au contraire que l’allégeance à la LFI est sans doute la seule issue. Exit le PS.

une désagrégation profonde déjà entamée en 2017

Et le Parti communiste alors ? Eh bien, après une campagne que certains qualifiaient de « très bonne », Fabien Roussel ne décolle pas et reste à un niveau traditionnel pour le PC depuis de nombreuses années. Là encore, le rapprochement avec LFI semble se dessiner. Exit le PC.

Et Europe Ecologie les Verts alors ? Eh bien, ils n’ont toujours pas réussi à transformer une évidence sociétale en courant politique crédible. A moins qu’ils réfléchissent à la « déconstruction de l’Homme ».  Ce qui peut être gênant pour construire ! Exit les Verts.

Et Les Républicains alors ? Eh bien, l’ineffable Christian Jacob a, dès 20h le dimanche 24 avril, fait du grand Jacob : « C’était une défaite annoncée », disait-il (en parlant des LR), lorsque soudain la parole lui fut retirée au profit d’un duplex avec la voiture qui était censée transporter le futur toujours Président. Oups, ce n’était pas la bonne voiture! Et Valérie Pécresse occupée à faire la quête… Exit les LR ?

Arrêtons là cette litanie mortifère. Oui les partis sont morts, vive les « blocs » !

L’heure des « blocs »

C’est en effet ainsi qu’il convient sans doute d’observer la vie politique française.

Un bloc de Gauche avec LFI à la manœuvre, qui étreindra certainement le PS, le PC, le NPA, Lutte Ouvrière et autres. Jean-Luc Mélenchon, très bon tribun – qui a le sens avéré de la formule -, souhaite que les Français l’élisent Premier ministre. « L’opposition, c’est moi », aurait-il pu tout autant dire. Au-delà de la formule marketing – assez bien trouvée il faut l’avouer -, son positionnement est porteur d’efficacité.

les partis sont morts

Un bloc de Centre droit et gauche incarné par le président Macron bien sûr, et qui ratisse large, accueillant les errants des LR, les Marcheurs et surtout ceux qui souhaitent un poste, un mandat, un maroquin : à Marseille on dirait les « gamelleurs ».

Dans ce bloc qui portera certainement la marque « Majorité présidentielle » en juin prochain, retrouvera-t-on Horizons ? Rien n’est moins sûr. La bataille pour 2027 a démarré. Horizons permet aujourd’hui à son patron Edouard Philippe de se positionner et aux partant des LR de se mettre à l’abri dans un SAS de décompression. Il est dangereux de s’exposer avant un scrutin !

Un bloc de Droite fait de souverainistes, de nationalistes, de patriotes… On y retrouve le RN, Reconquête, Debout la France. Une droite qui n’a d’extrême que sa place sur une ligne imaginaire symbolisant le paysage politique français. Une droite dont certaines idées sociales feraient des heureux à Gauche. Un bloc de droite qui ne tutoiera le pouvoir un jour qu’au prix d’alliances… l’affaire n’est pas simple !

la bataille pour 2027 a démarré

Voilà les trois blocs qui vont sans doute se battre pour les législatives et qui engendreront une cohabitation (assez fortement demandée par les Français) ou une gouvernance « normale » pour Emmanuel Macron.

L’inadéquation entre les institutions et les Français

Cette évolution marque l’inadéquation entre les institutions de la Vème République et les Français, qui se détournent de plus en plus nombreux des urnes. Rappelons à cet égard que 32% des inscrits n’a pas participé à cette élection (13 millions d’abstention et 3 millions de bulletins nuls).

Lors des prochaines législatives (12 et 19 juin) ce sont donc sans doute ces trois blocs qui s’affronteront, à condition que les alliances et les rapprochements aient lieu. Nous devrions être fixés rapidement.

ces législatives ne seront pas un blanc-seing pour Emmanuel macron

Ces législatives seront donc l’occasion de solidifier les positions, de désigner le leader de l’opposition au rythme des triangulaires et quadrangulaires possibles dans de nombreuses circonscriptions. Elle permettra aussi pour certains d’affermir une trésorerie au plus bas, car rappelons que chaque voix aux législatives rapporte en moyenne 1,40 euro (si quelques simples conditions sont remplies).

Cohabitation ou pas, nous verrons bien ; mais ces législatives ne constitueront certainement pas un blanc-seing pour Emmanuel Macron qui entame son dernier mandat avec d’ombrageuses perspectives.

Et s’il tenait l’une de ses promesses de 2017 en incluant de la proportionnelle ? Et s’il écoutait 3 millions de Français qui se sont déplacés le 24 avril sans choisir de candidat en considérant le vote blanc ? Voilà qui pourrait être un signe de l’adaptation de nos institutions à la réalité du pays.

Francis PAPAZIAN, président du Méridional