Numérique – Les câbles sous-marins, un enjeu géostratégique où Marseille a sa carte à jouer

© Pxb

En octobre dernier, les navires câbliers d’Orange Marine déposaient le câble sous-marin « Peace » à Marseille, qui reliait la Chine à l’Europe. Récemment, la première étape de la mise en place du projet « 2Africa » vient d’avoir lieu en Italie : il s’agit du plus long câble du monde, qui s’étend sur 45 000 kilomètres – soit plus que la circonférence de la Terre. Ce projet, initié par Meta (anciennement Facebook) et par des coopérateurs internationaux tels qu’Orange ou Vodafone, permettra d’interconnecter les pays d’Europe aux continents africains et asiatiques, dans l’objectif principal de répondre aux besoins de connectivité en Afrique et au Moyen-Orient. Mais à quoi servent réellement ces câbles sous-marins ? En quoi sont-ils un facteur de souveraineté ? 

Ces câbles sous-marins sont au service du cyberespace, un espace virtuel et immatériel. Ce cyberespace est organisé en trois couches : d’abord, la couche informationnelle, c’est-à-dire l’ensemble des contenus diffusés sur Internet, puis la couche logique relative aux softwares, aux programmes et aux logiciels faisant fonctionner le cyberespace, et enfin la couche matérielle. Cette couche physique regroupe l’ensemble des infrastructures nécessaires d’Internet : parmi elles, on compte les câbles terrestres et sous-marins, qui constituent à eux seuls 99% du trafic mondial des données. Avec une démocratisation accrue des plateformes numériques et des interfaces, l’installation massive de ces câbles sous-marins est une conséquence mais aussi un facteur de la mondialisation : elle permet à une majorité d’individus de communiquer virtuellement à travers le monde grâce à leur smartphone ou leur ordinateur. 

Un facteur de puissance à s’approprier 

Si les câbles sous-marins desservent une grande partie du monde, la plupart se dirigent vers les Etats-Unis, qui dominent la couche physique : 80% des flux des données passent par le pays. Ce monopole des données est un vecteur de leur puissance et leur confère une position géostratégique : en 2013, le lanceur d’alerte Edward Snowden révèle que les Etats-Unis profitaient de leur domination des câbles maritimes et terrestres pour mettre en place un système de surveillance de masse. Dans un contexte de guerre, ces câbles constituent également un enjeu majeur : les belligérants tentent souvent de couper les câbles des pays adversaires pour les rediriger vers des câbles surveillés. 

Ce facteur de puissance des Etats-Unis est concurrencé par la Chine, qui a mis en place depuis quelques années sa « grande muraille électronique chinoise » avec ses propres réseaux sociaux, comme les BATX (Baidu, Alibaba, Tencent, Xiaomi) au lieu des GAFAM américaines (Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft), ou encore WeChat pour remplacer Whatsapp. 

Le hub numérique de Marseille, un nouvel enjeu stratégique pour la France ? 

Aujourd’hui, Marseille constitue le 7ème hub numérique mondial et a pour but d’atteindre le top 5 d’ici quelques années. Un hub numérique est comparable à un hub ferroviaire ou portuaire : il désigne un endroit où les données sont obligées de transiter avant de rejoindre leur destination.

Marseille se place également comme la ville européenne avec la plus forte croissance d’interconnexions ces dernières années, puisqu’il y a 10 ans, elle était placée 44ème. Cela est dû à sa position stratégique : carrefour mondial, elle relie l’Europe à l’Afrique, au Moyen-Orient et à l’Asie. La Cité phocéenne va par ailleurs prendre son essor en tant que hub numérique d’ici à 2023 ou 2024, puisqu’elle accueillera le nouveau projet « 2Africa », le plus ambitieux des projets des câbles sous-marins, ce qui se présente comme un avantage pour la ville et pour la France. Au cœur de la couche physique, cela donne une opportunité majeure pour le pays d’être au centre des échanges numériques et de dominer une partie des flux d’informations, même si la France ne pourra tout de même pas concurrencer les Etats-Unis. 

I.S