Tour de table – La véritable histoire du sushi

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Si vous avez l’habitude de faire des « soirées sushi » une fois par semaine, n’allez pas imaginer que les Japonais, instigateurs de ce mets désormais très à la mode en Europe, en dégustent tous les jours. Ils n’en mangeraient… qu’une à deux fois par an ! Symbole du repas de fête, le sushi ancestral représente un des sommets de l’art gastronomique au pays du Soleil levant.

« 95% des sushis proposés en France ne sont pas ceux que l’on savoure au Japon », nous brosse d’emblée Ippei Uemura, du restaurant Tabi (corniche Kennedy). Le chef japonais, installé à Marseille depuis plusieurs années maintenant, propose rarement des menus sushis. A l’origine, il est justement arrivé en France pour partager cet art du sushi ; mais il préfère se consacrer à la transmission de la gastronomie japonaise façon « kaiseki » (différents plats japonais à petite échelle). Pour autant, Ippei Uemura ne boude pas l’art des sushis. Et pour cause : ce que le « maître sushi » retrouve dans tous les cas, c’est le travail du poisson : une histoire de complicité et de respect entre la mer, le chef et la gastronomie.

Le respect pour les maîtres sushi

« En général, c’est à l’occasion d’un événement particulier que les Japonais sortent déguster des sushis, souligne le chef. Ils se rendent dans des endroits où ils savent qu’ils mangeront d’excellents plats. C’est un peu comme la truffe ou le caviar pour les Occidentaux. » Il faut savoir que le titre de « maître sushi » n’est pas décerné à qui veut : son attribution nécessite tout de même une dizaine d’années d’apprentissage ! « Au Japon, les maîtres sushi sont considérés comme le sont les avocats en France, par exemple », observe Ippei Uemura avec un sourire.

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Ce mets ancestral (le riz vinaigré servait à conserver un poisson éviscéré) est indissociable d’une connaissance fine et approfondie du poisson ; c’est ce qui différencie un « vrai » sushi d’un autre : « Il s’agit non seulement de savoir comment couper chaque poisson, mais surtout de tout connaître sur son mode de vie : à quelle profondeur nage-t-il ? De quoi se nourrit-il ? », développe le chef. Cela pour plus d’une soixantaine de poissons ! « Pendant trois ans, on ne touche pas au poisson ; on doit d’abord maîtriser toutes les étapes préalables du parcours » (grillade, friture, plat chaud…) Un programme très exigeant. « Quand le chef m’a laissé préparer un poisson, à la fin d’un service, j’étais tellement content et fier ! se rappelle Ippei Uemura. Je crois bien que j’ai appelé ma mère immédiatement après. »

au japon, il faut une dizaine d’années d’apprentissage pour devenir maître sushi

La France, premier pays de consommation de sushis en Europe

Les maîtres sushi japonais, du fait de leur position et de leur salaire au pays, migrent très peu à l’étranger ; ce qui explique le fait que beaucoup d’Européens ne connaissent pas les véritables sushis d’origine ! « Les sushis occidentaux ne ressemblent pas aux sushis japonais, explique Ippei Uemura. Les chefs manquent de formation. »

La France est le premier pays de consommation de sushis en Europe : pour Ippei Uemura, la transmission du savoir-faire japonais s’accorde merveilleusement avec l’art de la gastronomie française : un accord « mets-vin » qui vaut la peine d’être tenté…

Jeanne RIVIERE