Génocide des Arméniens – La mémoire ne doit pas être mise au service des enjeux politiques

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En ce temps de commémoration du génocide des Arméniens par les Turcs Ottomans il y a désormais plus d’un siècle, en 1915, les cérémonies d’hommage se multiplient. Les nouvelles générations, particulièrement en Région Sud, ont appris à vivre avec cette mémoire. Mais celle-ci, si elle demeure vive, ne doit pas être utilisée comme un outil politique, vidée de son sens. C’est le point de vue de Gilbert Derderian, vice-président de l’Assemblée des Délégués du Diocèse apostolique arménien de France, et président de l’Église apostolique arménienne de Beaumont à Marseille, « Saint Grégoire l’Illuminateur ».

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Ce que Gilbert Derderian tient d’emblée à souligner, c’est la modernité de l’organisation de l’Eglise apostolique arménienne : « Je voudrais rappeler que l’Eglise apostolique arménienne possède une organisation unique, séculaire et bicéphale, nous explique-t-il. Cette gouvernance est sous l’autorité d’un président laïque en charge de l’organisation juridique et d’un président ex-officio religieux représenté par le prêtre en charge du droit canon, entourés pour notre Eglise de neuf conseillers paroissiaux tous laïques. »

« L’absence d’une communication nouvelle »

Pour le président, cette modernité n’est pas sans jurer avec la façon dont sont amenées, 107 ans après le génocide, les commémorations officielles : « Nous sommes nombreux à regretter l’absence d’une communication nouvelle, qui soit à la hauteur des enjeux imposés par l’expression d’un besoin de mémoire ouvert sur le XXIème siècle », note-t-il. Comme d’autres, Gilbert Derderian pense que la « troisième génération » doit pouvoir commémorer le génocide de façon différente. Il n’est pas tendre envers ce qu’il qualifie de « victimisation surannée », (notamment à travers l’exemple des affiches de commémoration) : « 107 années sont passées et nous sommes restés sur les mêmes base d’une représentation du génocide des Arméniens des plus clivantes. Jusqu’à reproduire les mêmes postures, les mêmes discours, les mêmes déambulations. »

Des célébrations devenues nationales qui éclipsent le biais religieux

Le président fait remarquer avec agacement l’ingérence des Grands Commis de l’Etat dictée par la tournure « nationale » qu’on pu prendre les cérémonies, religieuses à l’origine : « Regardez certaines affiches dites « officielles », où les cérémonies sont rebaptisées sous les termes génériques de « cérémonies républicaines » ! C’est une manière bien hexagonale de disjoindre les immuables et traditionnelles cérémonies religieuses d’un événement majeur… Pour l’âme arménienne, du baptême à la célébration des obsèques, nos prêtres et nos évêques ont toujours été les premiers et les derniers remparts de la mémoire et de l’identité arménienne. »

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Dans cette idée, Gilbert Derderian souligne combien il est important, pour la communauté des Français d’origine arménienne, de s’affranchir des jeux politiques. Les politiques préfèrent s’adresser aux associations se présentant souvent comme représentatives de la communauté. « Il ne s’agit pas de réclamer aux autorités une banderole par-ci, une illumination par-là, remarque le président. Il faut recréer du lien dans la communauté, indépendamment des enjeux politiques. »

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La nouvelle génération est riche d’une double culture ; « elle a bien plus à apporter que de montrer sa capacité à défiler une fois l’an devant le Consulat de Turquie, conclut Gilbert Derderian. C’est à l’évidence une génération porteuse d’espoir, tellement l’intégration, la résilience et l’agrégation à la double culture restent un modèle. »

Raphaëlle PAOLI