Escale Borély : le mariage des Reines Christine

Mme Christine La Rocca avec sa chienne Princesse Molly, et Mme Christine Guerre aux bras de M. Henri Tulimiero pour un mariage de raison. © J.D'A.

Non, ce n’est pas un poisson d’avril. Le Méridional a été le témoin privilégié d’un mariage hors du commun célébré il y a quelques jours au restaurant Les Mouettes, à l’Escale Borély, entre Christine La Rocca et Christine Guerre, présidente et vice-présidente du comité d’intérêt de quartier de Bonneveine-Vieille Chapelle-La Sérane-Lapin Blanc-Les Gâtons, et d’autre part Henri Tulimiero, président de l’association des commerçants de l’Escale Borély, sous les joyeux auspices de la chienne Princesse Molly.

Pourquoi cette union insolite ? Pour créer un groupe de pression dont le poids soit susceptible d’influer sur les futures décisions des élus marseillais. L’association animée par M. Tulimiero regroupe en effet une trentaine de commerçants qui ont toutes les peines du monde à se faire entendre de la mairie. Or, le CIQ de Bonneveine est le plus important de Marseille puisqu’il regroupe 4 123 adhérents et le rapprochement conclu avec les commerçants va leur permettre de parler d’une voix plus puissante et peut-être plus audible.

L’équation est très simple. Lorsque Benoît Payan, maire de Marseille, et certains de ses amis écolos-bobos qui veulent transformer le magnifique site touristique de l’Escale en forêt amazonienne, auront maille à partir avec les commerçants, ils sauront désormais qu’ils ont affaire à plus de 4 000 Marseillais des quartiers sud décidés à préserver leur patrimoine et à aider les commerçants. Forcément, la musique ne sera plus la même et même les édiles appareillés d’Audika seront amenés à réfléchir plutôt deux fois qu’une.

Déloger une trentaine de commerçants et restaurateurs qui paient leur patente depuis trente ans rubis sur l’ongle, à une ou deux exceptions près, c’est injuste mais c’est toujours possible avec un peu de rouerie socialiste dans les rouages des appels d’offres, mais se mettre à dos des milliers de Marseillais c’est une autre paire de… manchons !

« Notre objectif est clair, souligne Henri Tulimiero, nous souhaitons établir un rapport de force qui nous soit favorable en coalisant plusieurs associations de défense du tourisme. Avec le CIQ très dynamique de Bonneveine, c’est bien parti… »

Il est vrai que les commerçants de l’Escale Borély sont dans une situation précaire car ils exercent leur activité sans droit ni titre depuis le 1er juillet dernier et ne peuvent donc ni emprunter, ni investir, ni rénover, ni vendre. Leur souhait serait de signer des contrats d’amodiation de douze ans avec la mairie de Marseille en participant activement au conseil d’administration de la société de gestion immobilière de la ville de Marseille qui exploite le site en lieu et place de l’Etat. Gérer est sans doute un mot trop éloquent s’agissant d’une société qui n’a pas daigné donner le moindre coup de peinture en trente ans et semble s’étonner aujourd’hui de la vétusté de certaines installations…

Outre l’uniformisation des enseignes, la rénovation des façades et la végétalisation de l’espace littoral, M. Tulimero voudrait que les pouvoirs publics s’impliquent davantage dans la promotion touristique et commerciale de ce site naturel exceptionnel. Avec l’aide des membres de son association, qui ont tous pleinement conscience de la bonne écologie du lieu, les deux Reines Christine – La Rocca et Guerre – vont organiser avec les commerçants du 9 au 16 avril une immense sardinade pour mettre en valeur durant huit jours les artistes du Street Art marseillais sous toutes ses formes. Là aussi, les noces seront grandioses entre la culture et la gastronomie locale.

Les commerçants ne sont pas résignés à la fatalité d’une expulsion. Ils en ont pris leur parti : ils savent qu’à terme la mise en concurrence est inévitable et que leur ancienneté ne leur confère aucune priorité juridique. Non seulement ils se conformeront tous au futur cahier des charges mais ils anticiperont les exigences des pouvoirs publics pour avoir les meilleures chances d’être choisis et d’échapper ainsi aux affres du bulldozer. Ils sont certes toujours en situation irrégulière au regard du code de commerce, mais ils sont en train de concocter un plan de derrière les fagots qui leur permettra, espèrent-ils, d’être en adéquation parfaite avec les pouvoirs publics.

José D’ARRIGO, rédacteur en chef du Méridional