Trésors du Sud – Le pélobate, un amphibien nécessaire à l’équilibre environnemental

© David Tatin - Orbisterre DR

Pélobate cultripède. « Pelobates cultripes », de son nom savant. Non, vraiment, ce nom ne vous dit rien ? Ce petit amphibien qui tiendrait dans le creux de votre main fait l’objet d’une attention particulière de la part des organisations environnementales, et pour cause : il est placé sur la liste rouge régionale des reptiles et amphibiens considérés comme « en danger ». Comme souvent, une telle disparition n’est pas sans conséquences sur la chaîne environnementale. Le Centre d’espaces naturels de Provence-Alpes-Côte d’Azur (CEN PACA) a récemment livré les conclusions d’une vaste analyse. Celle-ci s’inscrit dans une volonté de freiner le déclin et de favoriser la bonne santé du petit animal. Julien Renet, chargé de mission Herpétologie au CEN PACA, nous détaille la marche suivie à l’échelle du Vaucluse.

Haro sur une disparition

Celui qui coordonne, anime et met en œuvre les programmes de conservation, autour du pélobate notamment, ne fait que traduire le constat actuel : aujourd’hui, notamment de la Région Sud, le pélobate représente une espèce en fort déclin : « Le département de Vaucluse abrite la quasi-totalité des populations connues au niveau régional », précise-t-il. Le pélobate est classé « vulnérable » au niveau national ; sa disparition fait également parler dans d’autres pays, l’Espagne en particulier (ce qui n’interdit pas des menées conjointes au niveau européen, comme cela peut se faire.)

En mission sur le terrain © David Tatin – Orbisterre DR

Sans surprise, le déclin du pélobate a été amorcé dans les décennies 1970-1980, qui voient une évolution de l’occupation des sols. Cet animal terrestre – qui a l’habitude de s’enfouir sous 30 centimètres de terre environ – a besoin d’un point d’eau pour se reproduire. Or, dans ces années-là, le morcellement du territoire comme les nouvelles pratiques agricoles bouleversent le milieu. « Les zones humides ne sont plus en connexion avec les rivières, souligne Julien Renet ; il se forme peu à peu des poches indépendantes, et les populations deviennent déconnectées les unes par rapport aux autres. » Cet isolement des sites entre eux réduit logiquement les capacités de résilience des populations : il n’y a aucune « solution de repli » pour les amphibiens. Sur les plus de 250 mares vauclusiennes recensées (d’Apt jusqu’à Coustellet), une vingtaine seulement abrite des pélobates.

les nouvelles pratiques agricoles bouleversent le milieu

Il faut dire que les menaces ne manquent pas : 40% des mares sont dans un état de conservation « moyen », quand 21% sont carrément dans un état qualifié de dégradé (manque d’entretien, envasement, évolution de l’environnement…) La pollution des eaux et le pompage sont également à l’origine de la disparition.

Au-delà du constat, l’action

Si les professionnels du milieu naturel ont bien conscience que la population pélobate est globalement en train de disparaître, il ne suffit plus de mener des constats. Le premier objectif des équipes comme celles du CEN PACA est, après l’identification des « zones à pélobate », d’augmenter le nombre de sites (mares) sur lesquels il va pouvoir se reproduire, et si possible, d’augmenter la connectivité des sites (pour des distances d’environ 1,5 kilomètre) : « La tâche n’est pas évidente, avoue Julien Renet ; nous sommes bien obligés de tenir compte des routes, des parcelles agricoles etc. »

Le parc national du Luberon, en tant que gestionnaire d’espaces naturels, joue souvent là son rôle d’intermédiaire, en contactant par exemple les propriétaires terriens pour savoir s’il est possible d’augmenter le potentiel des mares.

La méthode de marquage « PIT-Tagging »

Depuis 2019 et jusqu’à fin 2021, le CEN PACA et son partenaire, le parc national du Luberon, ont mené une étude démographique approfondie à l’aide d’une méthode intitulée « PIT-Tagging ». Grâce à cette technologie déjà largement utilisée pour marquer – sans conséquence aucune – la faune sauvage (amphibiens mais aussi oiseaux ou poissons, par exemple), deux populations de pélobates, soit des centaines d’individus, ont été recensées. Ce marquage a permis de compléter le bilan général des connaissances sur l’état de l’espèce.

Le marquage © David Tatin – Orbisterre DR

Une trentaine de chargés de mission du Luberon et des bénévoles ss sont régulièrement rendus sur le terrain pour capturer les pélobates. En passant parfois toute la nuit dehors, de la soirée à l’aube ! Il s’agissait de leur placer sous la peau une capsule avec un numéro propre. Cette technique de marquage individuel a été doublée d’une analyse par reconnaissance photographique pour plus de sûreté. « Le PIT-Tagging a fait ses preuves, explique le chargé de mission Herpétologie, puisqu’on a constaté un taux de rétention de 100%. » Cela permet déjà et permettra dans les prochaines années d’affiner les connaissances sur cet amphibien, bien plus important qu’il n’y paraît.

Jeanne RIVIERE

Cette étude a été possible grâce au soutien financier de l’Agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse, de la Région Sud Provence-Alpes-Côte d’Azur, du Parc naturel régional du Luberon et du Conservatoire d’espaces naturels de Provence-Alpes-Côte d’Azur. L’analyse de Pauline Priol est également à saluer.