Station des Orres : un modèle d’économie locale innovant et durable

© Les Orres

Nombreuses sont les stations de ski à avoir souffert de la crise du Covid. En 2020, la fermeture des remontées mécaniques a particulièrement affecté l’activité des petites structures. Aujourd’hui, les stations de ski se doivent de rechercher l’innovation et la performance, tout en prenant en compte l’enjeu climatique, l’un des principaux soucis environnementaux du monde actuel. Dans ce paysage, la station des Orres (100 km de pistes), située dans les Hautes-Alpes, tire son épingle du jeu. Il faut dire que sa politique de changement avait commencé avant la crise sanitaire.

Pour Marie de Araujo, coordinatrice des projets de la station, la dynamique principale réside dans une politique commune : pour cette commune (sans jeu de mots) qui compte entre 550 et 600 habitants, il est essentiel d’associer les initiatives. « La station, la commune, les commerçants et les habitants : nous avons un cap commun qui permet une cohérence et une entente dans les initiatives », explique-t-elle. Le fait que l’Office de tourisme et le domaine skiable soient réunis dans la même société – un modèle assez original – et que la commune représente l’actionnaire majoritaire de la station, facilite la chose.

Allier attractivité et préservation de l’environnement

« Allier attractivité et préservation de l’environnement n’a rien d’évident, souligne Marie de Araujo. C’est un travail sur le long terme, qui demande une vraie stratégie. » Celle-ci s’organise autour de quatre thématiques : la gestion des ressources, la mobilité, la préservation de la biodiversité et la gestion des déchets.

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La commune des Orres est labellisée « Village étoilé » : elle fait en sorte que la gestion des lumières soit pensée pour une « pollution lumineuse » minime. Trois des quatre navettes conduisant les skieurs aux pistes sont des véhicules hybrides. A terme, elles passeraient en véhicules hydrogènes : une façon de gérer la consommation de gaz à effet de serre.

Pourquoi pas même se transformer en producteur d’énergie verte ? Côté station, plusieurs projets intelligents, parmi lesquels l’installation de panneaux photovoltaïques permettant le fonctionnement des remontées mécaniques. L’objectif est de permettre une auto-consommation durant toute l’année. En orbite également, un projet de turbinage pour de l’hydro-électricité.

Une gestion de « bon sens »

« Il faut être réaliste : le bilan carbone d’une journée de ski et la culture de la neige ne sont pas les principaux sujets de la transition écologique, expose Marie de Araujo. Il faudrait surtout faire en sorte que les domiciles des touristes par exemple, soient bien isolés, et réduire la consommation des énergies fossiles. »

La gestion de la neige est une gestion « de bon sens » : aux Orres, cela fait quatre ans que des GPS installés sur les dameuses permettent de connaître l’épaisseur exacte de la neige sur le domaine skiable, de savoir ainsi où prélever la neige et savoir combien de neige produire. A force d’établir des statistiques et de rassembler les données, la station en est venue à savoir – quelles que soient les prévisions météo – combien de neige produire, dès le début de la saison hivernale.

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Une bonne communication vis-à-vis des visiteurs et une vigilance accrue (fermeture de certains sentiers l’été en fonction des périodes de reproduction des animaux par exemple) permettent une vraie protection du lieu.

Pas de « morte-saison »

L’attractivité est pensée pour toute l’année, pour permettre un équilibre dans la vie locale. Si la station reçoit en hiver 12 à 13 000 visiteurs par jour en moyenne, les taux touristiques estivaux avoisinent ceux d’hiver. « La diversité des offres, en hiver comme en été, permet une belle attractivité et évite les périodes de morte-saison que connaissent certaines stations en été » : patinoire, sentiers raquettes, ski de randonnée etc. en hiver ; escalade, vélo, activités d’eau, tyrolienne géante… en été, par exemple.

Des emplois pour les habitants

Le plus difficile pour les habitants d’une telle commune est justement de parvenir à vivre toute l’année avec une activité équilibrée. Ce qui est certain, c’est qu’il y a des avantages à tirer des nouvelles façons de travailler « post-Covid » : les touristes davantage sur place, les maisons secondaires sont occupées plus longtemps, et cela contribue à faire vivre l’économie locale. 800 emplois directs et indirects dépendent de la station.

la diversité des offres permet l’attractivité

Celle-ci est financée à 90% par son propre chiffre d’affaires ; elle est aussi soutenue par des acteurs publics, principalement par la Région Sud. Sa bonne santé économique lui permet d’emprunter pour les grandes phases de ses travaux structurants.

La commune des Orres a d’ailleurs été station-pilote du développement de la fibre à l’échelle de la Région Sud et du département des Hautes-Alpes. « Cela fait cinq ans que la commune gagne des habitants, conclut Marie de Araujo ; cela prouve que ce modèle économique innovant est efficace ! Et que le modèle environnemental qui va de pair symbolise l’avenir du territoire en montagne. » Dans une région où le tourisme représente 85% du PIB, ce n’est pas à négliger.

Raphaëlle PAOLI