Saint-Valentin – 85% des fleurs françaises importées de l’étranger

© Man Fado

La Saint-Valentin est le jour des fleurs – des roses rouges bien sûr en particulier. Sans vouloir jouer les trouble-fêtes, on doit souligner que le marché des fleurs est surtout un marché d’importation, pas toujours très propre !

Retrouvez un article de décembre 2021 issu de notre échange avec Cécile, une spécialiste de la fleur, Marseillaise et reconvertie dans le marché des fleurs séchées.

A l’origine, c’est un petit atelier secret situé dans le 4ème arrondissement de Marseille… Aujourd’hui, Cécile est fière du succès de « Man-Fado » (« la main de fée », en provençal), entreprise spécialisée dans la confection d’assemblages de fleurs séchées ; et pas n’importe lesquelles, on va le voir.

La jeune créatrice de 33 ans connaît comme sa poche le monde de la botanique. Après un parcours qui l’amène d’abord à travailler comme costumière de spectacle, elle se tourne – un peu par hasard – vers les fleurs. Née à Aubagne, elle a toujours vécu dans la région et s’est attachée à l’environnement naturel exceptionnellement riche qu’elle propose. Elle apprend de façon classique le métier de fleuriste et passe une dizaine d’années dans les boutiques. Parce qu’elle prend conscience d’un certain nombre d’éléments qui la gênent, elle décide, avec « l’électrochoc » du covid, de quitter le magasin où elle travaille et de suivre sa propre voie.

La fleur, un morceau de nature… vraiment ?

Ce qu’elle nous raconte du monde de la fleur nous impressionne. Certes, le marché de la fleur coupée est en soi un désastre écologique. Mais au-delà de ça, on pourrait aller jusqu’à dire… qu’il n’y a rien de naturel dans beaucoup des bouquets vendus chez les fleuristes. « Quand on entre chez un fleuriste, on veut acheter un peu de nature, un décor champêtre, d’autant plus si on habite la ville, souligne Cécile. Mais aujourd’hui, il n’existe aucune traçabilité des fleurs, à l’inverse de ce qu’on trouve dans la filière alimentaire. » C’est-à-dire que des produits, notamment des pesticides, interdits depuis plusieurs années par l’Union Européenne, se retrouvent sur les fleurs. Kenya, Chine ? Les roses que vous offrez à la Saint-Valentin pourraient bien, hélas, n’être qu’un tissu d’artificialité. Et, détail non négligeable, sont cultivées dans des conditions pas toujours optimales pour les travailleurs.

© Man Fado

« A l’occasion d’un voyage professionnel en Hollande, je me suis rendu compte de ce que le marché de la fleur représentait, notamment là-bas : des milliers et des milliers d’hectares de serres chauffées, des fleurs coupées à la machine, des pesticides, un transport rapide très polluant… finalement, en totale contradiction avec ce que le client, au bout de la chaîne, croit acheter ! »

Exiger des fleurs françaises

85% des fleurs coupées présentes dans les magasins sont importées de l’étranger. Quand les clients prennent connaissance de ce qui se joue, nombreux sont ceux qui demandent une solution alternative. De son côté, Cécile, sans verser dans une démarche offensive d’ « anti-système », veut informer au maximum. Elle crée un blog à cet effet.

Si aucune traçabilité des fleurs n’existe encore en France, elle découvre le Collectif de la fleur française, qui met en lien fleuristes et horticulteurs ayant les mêmes idées : cultiver et vendre des fleurs françaises, produites au plus près de la région de vente. Cécile lance officiellement « Man-Fado » en janvier 2021, avec le label « Fleurs de France ».

L’esprit provençal

L’idée de Man-Fado est de proposer aux gens des bouquets de fleurs qu’ils puissent identifier («J’ai souvent des gens qui me disent par exemple : « Je me souviens de ces fleurs, il y en avait chez ma grand-mère ! » »). Pour cette Provençale amoureuse de sa région, les créations sont aussi l’occasion de fouiller dans sa mémoire, ou dans son vieux dictionnaire de provençal, à la recherche des expressions perdues !

Et pourquoi des fleurs séchées ? Parce que l’organisation est plus facile, Cécile est pour l’instant seule aux manettes de Man-Fado et livre même à vélo pour les commandes à Marseille.

© Man Fado

On peut retrouver ses créations au village marseillais de l’Epopée (14ème arrondissement de Marseille), au concept store Bloomdrops (13005), en commande bien sûr ; et du 12 janvier au 12 février prochain, la jeune entreprise a été sélectionnée pour être exposée au comptoir d’Alinea d’Aubagne (une petite fierté).

Finalement, le covid a donné l’occasion à Cécile de tenter l’aventure dont elle rêvait : créer sa propre entreprise (« quelque chose de plus vivant, de moins figé que la façon dont je travaillais auparavant ») tout en retrouvant le « vrai » monde des fleurs. Et son succès croissant prouve que la demande est bien présente.

Jeanne RIVIERE