La parole aux producteurs – Olivier Nasles : « Cela fait des années que les gens demandent du bio »

Olivier Nasles © DR

Olivier Nasles, outre qu’il porte bien son prénom (et on a dû le lui faire remarquer des dizaines de fois), est fin connaisseur de deux mondes extrêmement populaires chez nous en Provence : celui du vin et celui de l’huile. Il est notamment président du syndicat AOP Huile d’olive de Provence et président du comité national d’agriculture biologique de l’INAO (l’Institut national de l’origine et de la qualité).

Celui qui est oléiculteur, œnologue de formation et vigneron à Eguilles (Bouches-du-Rhône) a été élu il y a désormais plusieurs mois président du syndicat des Coteaux d’Aix-en-Provence. Il exploite 23 hectares de vignes et 20 hectares d’oliviers. Pour lui, le bio a été un choix réfléchi, il y a des années, qui correspondait à une demande déjà forte de la part des consommateurs.

Un grand-père fondateur des Coteaux d’Aix-en-Provence, une mère présidente du syndicat pendant une quinzaine d’années… Olivier Nasles se l’était avoué à lui-même : son projet n’était pas de prendre la suite. Pourtant, à l’été dernier, le président de l’ODG (organisme de défense et de gestion) Didier Pauriol annonce qu’il ne continuera pas. Le conseil d’administration choisit alors de transmettre le flambeau au vigneron. « Je ne voulais absolument pas d’un titre de président comme d’une fin en soi, mais je n’y suis pas allé à contrecœur, tient à souligner notre interlocuteur. Je connaissais bien les Coteaux d’Aix, c’est mon appellation de cœur. »

L’importance des appellations

A côté de cela, l’olivier. Les appellations qui protègent le savoir-faire et sont gage de qualité ont pris, à partir des années 1990, une nouvelle importance. Il a fallu accompagner la création de l’AOP Huile de Provence. La mission de valoriser et d’expertiser les produits du terroir revient notamment à l’INAO, l’Institut national de l’origine et de la qualité (en lien avec le ministère de l’Agriculture) qui agit activement pour la mise en place de tous les signes d’identification (AOP, AOC, Label Rouge, IGP…) Obtenir un label demande un travail exigeant, qui demande du temps.

Olivier Nasles (à gauche sur la photo), nouveau président, aux côtés de Didier Pauriol © DR

Les syndicats jouent également un rôle essentiel : « Nous ne sommes pas pro-actifs au sens où nous ne gérons pas les marchés. En revanche, nous sommes à l’écoute des besoins des producteurs et nous accompagnons les besoins de nos acheteurs », précise le président de l’ODG Coteaux d’Aix. Les labels sont d’ailleurs le fruit des demandes recueillies chez les consommateurs. Les syndicats ont également vocation à gérer tout un pan administratif, le suivi des dossiers, mais aussi le suivi économique.

Deux marchés qui n’ont rien à voir

Olivier Nasles, passionné autant par le vin que par l’huile, souligne pourtant la différence abyssale entre ces marchés. « L’huile est un marché de niche ici. Pour donner un ordre d’idée, il se consomme environ 110 000 tonnes d’huile par an dans le pays ; la France en produit 5 000 tonnes, et on y compte 270 tonnes pour l’AOP Provence. » Pour sa part, il exploite 10 ha d’oliviers traditionnels en AOP Huile de Provence et Aix-en-Provence à Eguilles et Velaux, et dirige une exploitation de 7 ha d’oliviers en AOP Huile et olives de Nîmes.

Les vins de Provence et d’Aix-en-Provence, de leur côté, représentent les leaders mondiaux sur l’appellation. « La Provence est une région qui a vu exploser la consommation de ses vins, explique le président. On produit moins que la demande. » Il y a une vingtaine d’années, l’exportation représentait 10% de la production. Aujourd’hui, elle a grimpé à 30%. « On observe une valorisation des produits qui est très intéressante », conclut Olivier Nasles. Les rosés de Provence, notamment, sont largement plébiscités (plus de 80% de la production leur sont consacrés).

Le choix du bio, réfléchi mais exigeant

Olivier Nasles a fait le choix du bio, pour le vin comme pour l’huile. « Cette décision a été prise avec ma mère. Rien n’était évident, et les débuts de conversion ont été difficiles. » L’exploitation, les coûts de transformation etc. ont nécessité de s’accrocher. « Mais, ajoute le producteur, on s’est dit : « soit on part maintenant et on anticipe, soit on sera dépassés dans un futur plus ou moins proche. » Cela fait des années que les gens demandent le bio, et le pari en vaut la peine. »

Le dernier jour des vendanges fêté au domaine d’Olivier Nasles, la Camaïssette, en octobre 2021. © Coll. O.N

Les Coteaux d’Aix-en-Provence regroupent plus de 4 000 hectares de vignes, pour une production de 220 000 hectolitres environ. On compte 25% du vignoble en bio, et 30% en HVE (Haute Valeur Environnementale).

Pour celui qui souligne que « le monde du vin [l’]a fait vivre », l’impact du Covid sur l’état des producteurs est compliqué à analyser, étant donné la multitude de niveaux qu’il implique. Ceux qui faisaient leur chiffre sur la restauration uniquement ont bien sûr subi un gros coup, parfois fatal. Mais pour ce qui est de la vente directe, de la vente à la grande distribution, et surtout du marché de l’exportation, l’année 2020-2021 a été bonne pour les vins de Provence. Et il n’y a pas de raison que cela ne se poursuive pas en 2022.

Jeanne RIVIERE