Portrait de championne – Emma Gongora, la boxe et la vie

Emma Gongora à la salle Vallier en décembre 2021 © Le Méridional

Elle sourit souvent au détour d’une phrase et revient volontiers sur les détails de ses combats. Lorsqu’on la rencontre, Emma Gongora personnalise la simplicité et la légèreté… associées à un sérieux qu’on a pu vérifier au ring. La boxeuse professionnelle âgée de 28 ans, Marseillaise d’adoption, s’est fait un nom dans le milieu. Un nom des plus respectés, et pour cause : championne de France, d’Europe, et du monde, « Valkyria » (de « Valkyries », les guerrières de la mythologie nordique) s’est frayé un chemin à la force de ses poings.

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Contrairement à d’autres, Emma Gongora n’est pas « tombée dans la marmite » des sports de combat dès son enfance ; mais elle a toujours été sportive : « J’ai fait pas mal de course à pied, de cross, de gym… des disciplines qui demandaient de l’effort et de la rigueur. » Elle pratique l’athlétisme pendant six ou sept ans tout de même, au point d’être inscrite, sa dernière année, sur les listes de haut niveau. Et puis arrivent le bac, les études… Emma reste un an à Saint-Etienne mais le système de la faculté ne lui convient pas.

La révélation de la boxe

Elle part vivre en Ardèche. C’est dans le club d’un minuscule village de la région qu’elle va connaître le flash de la « révélation boxe » : « Venue un peu par hasard, j’ai senti dès le premier cours que la boxe serait mon sport. Il y avait le cardio, l’intensité… et en même temps, la discipline et la rigueur que je connaissais déjà. » Quatre mois à peine après ses débuts en Full Contact, elle commence les championnats régionaux amateurs. De combat en combat, la jeune femme de 20 ans prend rapidement ses marques, passe les niveaux (amateur puis semi-professionnel) et est propulsée en championnat de France.

Une guerrière nommée Valkyria

Plusieurs années d’affilée, elle combat et gagne aux championnats de France. Du Full Contact, elle est plutôt passée au kick-boxing : « Je préférais le K1 rules [entre le kick et le muaythaï], moins aérien. On cherche vraiment l’impact avec les jambes, avec les genoux », détaille la championne. En parallèle, la vie la fait changer de région : après avoir repris un BTS en alternance, elle boucle sa licence professionnelle de Travaux publics à Lyon, puis déménage à Marseille pour une licence de Logistique et management industriel. Elle progresse en gagnant des combats toujours plus sérieux : championne de France en semi-pro (2016), championne de France pro de K1 (2017)…

© Le Méridional

La boxe ou la vie

Jusqu’à présent, Emma pratiquait le sport de haut niveau sans lui consacrer sa vie. « Je me levais à l’aube pour m’entraîner, et je retournais à la salle le soir, mais je n’imaginais pas y passer ma journée. » C’est lorsqu’elle devient championne d’Europe de K1 en 2018 qu’elle commence à « penser aux choses sérieuses ». « Au travail, on me propose un CDI, que je refuse. A ce moment-là, je veux devenir championne du monde, je veux prendre le risque de consacrer ma vie à la boxe. » Elle sait aussi par les réseaux sociaux que beaucoup d’athlètes vivent de leur passion en faisant appel à des sponsors.

« Une adversaire ultra vorace »

2019 est l’année de la réussite. Elle gagne encore en légitimité, s’il en était besoin, puisqu’elle devient championne du monde de K1. En novembre, elle participe à la Nuit des Champions face à Sarah Moussadak : « Ce combat reste gravé dans ma mémoire. Il a été un des plus marquants et des plus durs, se souvient Emma Gongora. Mon adversaire était ultra vorace, il y avait énormément de pression sur le ring, dans nos coins, dans les tribunes. » Les deux jeunes femmes ne ménagent pas leurs efforts ni leurs coups. Emma conserve cette année-là sa ceinture Nuit Des Champions, en s’imposant aux points, alors qu’elle s’était imposée par KO lors de l’édition 2018.

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Touche à tout

En janvier 2020, elle se sépare de son coach Hervé Busonéra et adhère au Challenge Boxing, le fameux club de Louis Lavaly, qui fait avant tout de la boxe anglaise et du pieds-poings. Elle y tâte aussi du MMA (Mixed Martial Arts). Fin janvier, l’entraîneur lui propose un combat de boxe anglaise à Paris, qu’elle perd, mais dont elle revient satisfaite. « Quand on joue à l’extérieur, c’est toujours plus difficile », précise-t-elle.

L’appel du ring

Arrive le covid, et avec lui, la suspension des combats. Le fait de ne pas boxer pendant un an fait réfléchir Emma : « Les vrais combattants ont besoin de combattre ; ils ressentent l’appel du ring. Le Covid en a incité beaucoup à choisir des combats dans plusieurs disciplines de la boxe. »

A la salle Vallier, en décembre 2021 © Le Méridional

Une certaine semaine de novembre 2020, coup de théâtre ; son coach Louis Lavaly lui téléphone : « On nous propose de remplacer au pied levé la Bosnienne Pasa Magalic à Nantes ; elle devait affronter Estelle Yoka Mossely mais a dû annuler sa venue. » Estelle Yoka Mossely, championne olympique 2016 (femme de Tony Yoka) : un gros morceau pour la Marseillaise. Emma Gongora s’incline mais non sans honneur : « J’étais contente d’avoir réussi à bousculer une championne olympique, sans la préparation qui va normalement avec », sourit-elle.

Incertitudes et certitude

Comme pour beaucoup de champions sportifs, le contexte lié au Covid reste inconfortable. Le calendrier des combats demeure incertain. Mais Emma s’entraîne plus que jamais et combat dès qu’elle le peut (on l’a vue récemment à la salle Vallier par exemple). Elle a également passé son examen de coach de vie et coach en préparation physique.

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De beaux combats sont prévus dans les mois qui viennent ; la boxe anglaise notamment sera à l’honneur à Marseille, une façon de redonner vie à la mythique époque des Mehdi Sahnoune et des Myriam Lamare. La championne Emma Gongora, qui va avoir 29 ans en juillet 2022, se donne encore plusieurs années pour fouler le ring. Avec une certitude : la boxe fait partie de sa vie.

Thomas MOREAU