« A vrai dire », la chronique éco de Pierre Dussol (11) : « Droits » de succession

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Pierre Dussol est professeur d’économie honoraire à Aix-Marseille-Université. Il a compris depuis belle lurette les méfaits de la torsion des mots sur la désorientation et le vide des esprits. En véritable « redresseur de tors », il a décidé de reprendre les définitions de base qui permettent de mieux décrypter les habillages et autres artifices du politiquement correct. Il livre son point de vue savoureux dans les colonnes du Méridional.

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« DROITS » DE SUCCESSION

Cette chronique ne traite que de « Droits » de succession. Face à des enjeux touchant aux fondamentaux de l’économie, la façon dont le sujet est traité par nos « autorités » cumule l’ignorance économique et la poussée d’une idéologie de spoliation visant à la destruction de la transmission sous toutes ses formes.

Le dernier document commis par le Conseil d’Analyse Economique du premier ministre confirme la continuité d’une politique dangereuse.

DROITS DE SUCCESSION :  REPENSER L’HERITAGE, disent-ils.

D’abord la « prétention fatale » de l’Etat à croire qu’il est compétent en tout…

L’Etat, ou plutôt les hommes de l’Etat, se croient compétents pour agir à la place des acteurs économiques naturels : entrepreneurs, épargnants, investisseurs, salariés, familles… dans des domaines qu’ils connaissent mal. De plus, ils souffrent de la frénésie électorale qui interdit de voir à long terme. Cela a des effets sur la qualité de leurs actions.

Il faut des impôts pour financer les « charges communes ». Pourtant certains impôts sont économiquement nuisibles au point que l’on n’en voit pas la justification pour remplir les caisses de l’Etat. Autrement dit, leurs effets « pervers » font qu’ils nuisent au rendement même de l’impôt. On en vient à penser que la prégnance d’une idéologie haineuse de spoliation et de destruction en est l’explication.

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Les richesses produites pas les acteurs économiques n’appartiennent pas à l’Etat, que ce soit celui de Louis XIV ou de Monsieur Macron. La Corée du Nord, c’est plus à l’Est ! C’est la pensée qui vient à l’esprit en lisant le dernier rapport du Conseil d’Analyse du premier ministre sur « Repenser l’héritage », n°69 Décembre 2021 ; il fera date !

Ensuite, l’ignorance de l’économie poussée par une idéologie haineuse

La « lutte contre les inégalités » sert encore une fois de prétexte pour voler les propriétaires décédés et spolier leurs héritiers.

Quelle ignorance des ressorts de l’action humaine que de sembler croire que les hommes ne penseront pas pendant leur vie à ce qui restera d’eux après leur disparition ! Techniquement, les droits de succession sont destructeurs de l’incitation à investir, ce qui est défavorable au progrès économique.

Pourtant, le président du Conseil dit « d’Analyse Economique », déclare fièrement qu’il faut «…mettre des éléments de rationalité dans le débat ». Ah bon ? La rationalité consiste plutôt à prendre les hommes tels qu’ils sont et non tels qu’on les imagine ou tels que l’on voudrait les transformer. Là encore, prétention.

Le CAE constate que la part des patrimoines transmis par héritage augmente depuis les années 1970. Ce doit être arithmétiquement vrai. Pourquoi alors ne pas en chercher la cause ? Par exemple, dans le fait que la progressivité de l’impôt sur le revenu et tous les prélèvements sur les flux de revenus du travail et du capital  immobilier ou autre rendent de plus en plus difficile la constitution d’un patrimoine ? La seule « trouvaille » du CAE est d’imposer le patrimoine tout au long de la vie…

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Si l’on veut lutter contre les « inégalités », une société où règne un climat de concurrence loyale est le meilleur élément favorisant : ainsi chacun peut espérer faire prospérer ses talents et bénéficier des revenus associés sans crainte de spoliation.

L’Etat, s’il veut agir, doit faire porter ses efforts sur la concurrence loyale davantage que sur la subvention aux « non talentueux ».  Un résultat très craint par certains serait que chacun se retrouverait en face de la vraie valeur de sa contribution à l’œuvre commune. Ce pourrait être modeste et cela, beaucoup de l’admettent pas. Il faut pourtant donner leur chance aux talents pour que leur épanouissement soit source de création de richesses dont tout le monde finalement profite. Rassurons-nous, les talents humains sont d’une infinie variété.

Certains héritiers sont pitoyablement indignes de ce dont ils héritent. Cela prouve-t-il que l’Etat est plus compétent pour gérer leurs biens ? Il suffit de voir la gestion l’Etat de son propre domaine. L’Etat, ce ne sont que des hommes pris dans un tourbillon électoral, assaillis par des  groupes de pression et donc poussés à la démagogie. Il est plus facile de critiquer l’héritage que de gérer correctement son propre domaine…

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On ne changera pas les hommes : chacun préfère travailler pour lui – ou ses proches – que pour les autres. Est-ce « moral » ou non, peu importe, c’est la réalité.  Certains, il est vrai refusent la réalité. « La cité idéale ne sera peuplée que des Elus, les autres auront été éliminés » écrivait un utopiste : l’élimination des personnes « non conformes » est derrière tous les projets de réforme de la société en méconnaissance et par suite en violation de la nature humaine.

La contradiction avec des principes constitutionnels et la simple logique

Le respect de la propriété privée est inscrit dans la Constitution comme il l’était par la Déclaration des Droits de l’Homme de 1789, sur ce point bien inspirée. La propriété privée est la suite logique de la liberté de chacun de créer des richesses par ses talents. C’est une institution humaine naturelle.

Il faut donc en finir et supprimer jusqu’à l’idée même de tout « Droit » de succession. Il est inutile de modifier les taux et autres dispositions techniques : c’est le principe même qui doit être remis en cause au nom, on le notera, des principes constitutionnels affirmés.

Sinon, autant changer la constitution : copions celle de la Corée du Nord par exemple. D’ailleurs l’Etat, après avoir institué des impôts confiscatoires, crée aussitôt des exceptions permettant d’y échapper : ce sont les fameuses niches fiscales. L’Etat se contredit donc lui-même, une fois de plus, et cela le CAE l’a bien vu.

Il faut donc en finir avec les dispositions destructrices ; nous y reviendrons, le champ est large !

[Sujets liés : Transmission, Redistribution]

Pierre DUSSOL

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