Ressources numériques pour l’école : alerte à la suppression des modules et professeurs dans l’expectative

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Depuis 2016, c’est-à-dire depuis cinq ans, le Ministère de l’Education Nationale fournit à l’ensemble des enseignants une base de ressources numériques, pour plusieurs matières dite BRNE Banque de Ressources Numériques pour l’Education : Français, Mathématiques, Histoire-Géographie, SVT, Physique-Chimie, Technologie, et diverses langues étrangères.

L’objectif de ce dispositif est de fournir un socle numérique de base à l’ensemble des établissements de France, publics comme privés, afin d’avoir une équité d’équipement en ressources numériques pour tous. Les professeurs s’en servent pour étayer, construire, illustrer et personnaliser leurs cours ; les élèves l’utilisent pour constater leur progression, visionner des vidéos etc. De très bons outils, conçus par des professeurs auteurs pour différents éditeurs (Belin, Hachette, Didier, Nathan, Maskott par exemple) et apprécié des élèves (fait assez rare pour être signalé…)

Aussi, quand à l’été 2021, soit en pleines vacances scolaires, le Ministère annonce une probable fin de ce service en ligne, c’est la panique pour beaucoup d’enseignants, alors que les problématiques de continuité pédagogique restent pleinement d’actualité. Retour sur un épisode qui a fait et continue de faire du bruit dans le milieu scolaire, à une période où les confinements restent une menace qui plane dans l’air.

« Des ressources sur un plateau », confinement ou pas

« En 2015, il faut dire qu’on nous a vraiment beaucoup incités à utiliser cet outil », explique une enseignante. Professeur de technologie dans un collège d’Aix-en-Provence, elle avoue qu’elle a mis un peu de temps à suivre le conseil. Mais comme un certain nombre de collègues, elle a été favorablement surprise : « On a accès à des modules partagés par des professeurs de toute la France ; à distance, on peut créer ses cours, s’enregistrer, mettre des liens sur des vidéos… » Le gros avantage du système, c’est qu’il permet un suivi des élèves. « Pendant le premier confinement, les professeurs qui utilisaient déjà Tactileo [l’une des plateformes principale des BRNE] n’ont pas été pris de court : eux-mêmes et leurs élèves avaient déjà l’habitude de fonctionner avec les supports numériques. »

Avec leur tablette, les collégiens avancent à leur rythme : ils peuvent recommencer un exercice autant de fois qu’ils le souhaitent. Les élèves apprécient le système. Une étude récente du CNRS a d’ailleurs montré l’efficacité des plateformes favorisant la personnalisation des cours comme Tactileo dans les apprentissages et la réduction de la fracture sociale.

« Une vraie ressource, fiable »

Les modules sont conçus par des professeurs, relus, vérifiés par des inspecteurs de l’Education nationale spécialisés dans chaque matière. Pour un enseignant interrogé, il s’agit d’« une vraie ressource, fiable, comme les professeurs les apprécient, personnalisable ». Un autre, de Berre-l’Etang, souligne l’avantage de ces ressources de qualité pour les jeunes professeurs qui sont encore en train de construire leurs cours.

Parallèlement, la plupart des professeurs que nous avons interrogés reconnaissent que cette mise à disposition est sans conteste un outil qui permet une réduction de la fracture sociale entre les territoires.

« Une drôle de façon de faire »

« En juillet 2021, j’étais en vacances : des collègues m’envoient des messages évoquant les rumeurs de suppression des BRNE. Autant j’avais un peu rechigné à les utiliser au début, autant l’idée que tous mes modules pouvaient disparaître du jour au lendemain m’a fait complètement paniquer ! Une drôle de façon de faire de la part du Ministère », appuie notre enseignante de technologie. « J’ai essayé de faire des captures d’écran de mes cours mais ce n’était évidemment pas une solution. »

Contacté, Pascal Bringer, directeur général de la plateforme Tactileo un des fournisseurs des BRNE, revient sur le sujet : « Quand, en 2016, le président François Hollande lance le plan tablette pour tous les collégiens, le contrat est clair : l’Etat met 1€ par élève pour l’achat des équipements, si le Département s’engage à mettre 1€ également. » En parallèle, une série d’appels d’offres est lancée pour fournir du contenu de qualité à tous les établissements de France. Dans les Bouches-du-Rhône par exemple, le contrat fonctionne parfaitement.

L’appel d’offres était d’une durée de cinq ans et le marché prenait fin en avril 2021. Le Ministère demande aux éditeurs de prolonger l’accès jusqu’à l’été (au vu de la situation sanitaire incertaine) et s’engage à renouveler le contrat. Mais juste avant la fermeture estivale des académies, il annonce qu’il ne reconduira finalement pas les ressources. C’est alors aux établissements de choisir : abandonner un outil performant, ou chercher les financements des collectivités.

Appel aux collectivités

Etant donné l’annonce très soudaine du Ministère de l’Education, beaucoup de collèges ou leur collectivité de rattachement n’ont pu anticiper l’organisation.

A la suite de sollicitations d’un grand nombre de professeurs et d’enquêtes autour du sujet, des collectivités commencent à décider de reprendre le dossier en main. En Région Sud, il faut aussi noter le grand investissement des professeurs, que ce soit pour l’utilisation des BRNE ou pour la rédaction des modules destinés à tous les enseignants de France. La question a donc tout son sens en Région Sud et dans les départements correspondants.

Il n’est pas logique que des professeurs qui se montrent les plus innovants en utilisant les ressources numériques à bon escient soient pénalisés dans une période où le numérique prend une importance cruciale. 

Raphaëlle PAOLI