Le coin des livres – Marie-Antoinette, « la légèreté et la constance »

Marie-Antoinette par Joseph Ducreux (1769) © WKMC

Certains personnages historiques voient au cours du temps leur bibliographie augmenter, sans que jamais l’intérêt des lecteurs faiblisse. Citons Napoléon, Jeanne d’Arc… Mais Marie-Antoinette occupe une place spéciale dans le cœur de ses fidèles. L’ouvrage d’Hélène Delalex nous aide à comprendre pourquoi, mettant en valeur la complexité du personnage dans les quelques mots du sous-titre : « La légèreté et la constance ».

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L’auteur, conservateur du patrimoine au musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, s’appuie sur une documentation riche et variée : lettres, gravures, livres, documents d’archives, effectuant ainsi un véritable retour aux sources. Hélène Delalex offre ainsi une biographie particulièrement vivante de Marie-Antoinette, montrant la jeune femme à l’esprit vif mais laissée à elle-même dans sa prime enfance, puis la dauphine découvrant avec ravissement la cour de France et s’y étourdissant. Elle évoque avec finesse les goûts, la personnalité de la future reine, la rendant d’autant plus proche quand elle cite des passages de ses lettres.

Le « droit au bonheur »

Comment la toute jeune femme qu’était Marie-Antoinette n’aurait-elle pas eu la tête tournée en découvrant la si célèbre cour de Versailles ? Celle-ci diffère tant de la cour sévère de sa mère, la reine Marie-Thérèse ! Mais à la mort de Louis XV, devenue reine elle-même, Marie-Antoinette se rend vite compte que la vie à la cour versaillaise a bien des inconvénients pour les souverains. Ils n’ont plus aucune vie intime, doivent vivre quasiment « à découvert ». La jeune femme en souffre. Elle estime – idée bien dans l’air du temps – avoir « droit au bonheur ».

Adulée puis détestée

Elle est d’abord adulée, surtout quand elle donne un héritier si attendu à la France. Mais ses goûts dispendieux, sa façon de lancer les coiffures et les modes (voir par exemple l’importance que prend un personnage comme Rose Bertin, sa couturière), le plaisir qu’elle prend, plus par délassement que par passion, aux jeux de hasard où elle perd de fortes sommes, souvent à l’insu de son mari : tout cela sera utilisé, grossi, déformé dans d’anonymes pamphlets haineux qui circuleront et donneront une image odieuse de « l’Autrichienne », la salissant à loisir. Les bals ou les spectacles auxquels elle assiste « incognito » à Paris alimentent également les ragots. Tout est utilisé à ses dépens.

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Reine et mère

La naissance de ses enfants marque pourtant une étape importante dans la vie de Marie-Antoinette. Elle offre « un modèle d’amour maternel » et se rapproche aussi du roi, lui dont elle se moquait un peu pour sa sauvagerie et sa « balourdise ». L’affaire du collier (1785), où le cardinal de Rohan fut la dupe naïve d’une aventurière sans scrupule qui n’hésita pas à imiter la signature de la reine, fit grand bruit et beaucoup de mal à la reine. Hélène Delalex note avec finesse : « Malgré son innocence criante, la reine fit figure de coupable car, il faut le reconnaître, ce complot lui allait comme un gant. »

Un courage reconnu

Aucun document ne vient étayer la thèse d’une liaison avec Fersen, homme de confiance de Louis XVI. L’auteur montre aussi que la reine n’influe pas vraiment sur la vie politique du royaume, comme cela a beaucoup été dit. A la veille de la grande tourmente révolutionnaire, elle connaît des deuils qui la marquent profondément : elle perd sa dernière petite fille, Sophie, en 1787 alors qu’elle n’a pas encore un an, puis son fils ainé, (Louis Joseph), en 1789. Les étapes d’un véritable calvaire se succèdent alors : l’obligation de quitter Versailles sous la pression de la foule, la vie aux Tuileries, en « résidence surveillée », la fuite avortée à Varennes puis le massacre du 10 août 1792. C’est ensuite la vie dans la prison du Temple, le départ du roi pour la mise à mort sur la guillotine, la séparation d’avec ses enfants et Madame Elisabeth, sa belle-sœur, qui n’a pas voulu l’abandonner. Elle révèle alors un grand courage. « C’est dans le malheur qu’on sent davantage ce qu’on est », écrit-elle dans l’une de ses lettres d’août 1791.

Cet ouvrage comblera tous ceux qui aiment l’histoire. De magnifiques illustrations toujours précisément légendées (ce qui n’est pas le cas de tous les livres d’histoire… ) accompagnent la lecture. Un livre enrichissant, qui vaut la peine d’être lu ou offert.

Jeanne RIVIERE

Hélène Delalex, « Marie-Antoinette, La légèreté et la constance », éditions Perrin/ Bibliothèque Nationale de France, 312 p, 25€, novembre 2021.