Renaud Muselier quitte Les Républicains : les raisons d’un départ

© Le Méridional

Le président du conseil régional PACA Renaud Muselier a annoncé hier 24 novembre qu’il claquait la porte du parti Les Républicains, dénonçant la compromission de celui-ci avec les idées d’extrême droite. Une rupture prévisible, tant les attaques par médias interposés s’enchaînaient entre l’élu centriste et les représentants de l’aile droite du parti. Deux lignes politiques devenues irréconciliables.  

On avait rarement vu l’édile marseillais aussi ému que ce mercredi 24 novembre 2021 sur le  plateau de LCI. Des trémolos dans la voix, l’œil brillant, il revient sur ses récentes passes  d’armes avec les grandes figures de son parti, et son désaccord avec le climat idéologique  actuel : « Il y a un vrai problème sur la question essentielle, qui est quelle position nous  prenons par rapport à l’extrême droite ». Une ambiguïté intolérable pour lui, qui rappelle  l’engagement de son père et de son grand-père dans la Résistance, qui a valu à sa famille la  déportation et la torture. Enfin, il vide son sac, presque soulagé : il quitte LR. Un départ « fruit d’une réflexion importante », qui le rend « malheureux », mais « irrévocable ».  

Si la nouvelle tombe comme un couperet, elle était à prévoir, tant les signes avant-coureurs s’accumulaient. En juin 2021, Renaud Muselier, alors candidat à sa réélection aux élections régionales, propose une union à LREM, qui retire sa liste concurrente pour fusionner avec la  sienne. La nouvelle provoque un tollé général, le parti lui retire l’investiture. Il est même un  temps question de l’expulser du parti, et de monter une liste LR concurrente. Déjà, un front mené par le député des Alpes-Maritimes Eric Ciotti et le maire de Cannes David Lisnard dénonce des manœuvres politiciennes et sa proximité avec le macronisme. Acculé, Muselier fait volte-face. Il tempère en promettant qu’il n’y aura ni parlementaire ni ministre LREM sur sa liste, et sera finalement réélu.  

Le Marseillais s’en souviendra à l’occasion des élections du président de l’influente Association des maires de France. Son président sortant LR François Baroin adoube son  dauphin : David Lisnard. Rancunier, Muselier décide de soutenir son unique concurrent,  l’UDI Philippe Laurent, proche de LREM, face à Lisnard « qui a fait campagne contre moi – et  donc pour le FN de Thierry Mariani – aux régionales ». Ce qui fait dire à Eric Ciotti que  « Renaud Muselier n’a plus rien à faire dans notre famille politique » ; il l’affublera plus tard du sobriquet de « petit télégraphiste du macronisme ».  

Le même Ciotti avait déclaré qu’en cas de second tour Macron-Zemmour, il choisirait le  second sans hésiter. Entre les deux hommes, les relations sont notoirement excellentes. Le polémiste est en effet parvenu à placer la question identitaire et migratoire au cœur des  débats de la primaire des Républicains, et les cinq candidats rivalisent de propositions de fermeté sur le sujet. Ce qui n’est pas pour déplaire à Eric Ciotti, qui assume cette proximité idéologique. Candidat sérieux à cette primaire, il incarne la frange droitière de l’électorat du parti. Là encore, Muselier n’a pas manqué d’avertir qu’en cas de victoire du député azuréen  « plus à droite que l’extrême droite » à la primaire, il quitterait sa famille politique.  

L’épisode final est intervenu mardi. Renaud Muselier annonce dans le journal Le Parisien son soutien à Xavier Bertrand dans la primaire, car il « respecte nos valeurs, contrairement à certains de nos cadres qui trahissent notre héritage », comme Eric Ciotti qu’il qualifie de  « faux-nez de l’extrême droite ». Derrière ce soutien, c’est l’attaque fratricide de trop, alors  que le parti a tant besoin d’unité après une primaire 2016 aux allures de guerre civile. Xavier Bertrand s’en désolidarise sur Twitter : « Renaud Muselier a choisi de m’apporter son  soutien, mais je ne peux en accepter les termes. Ses attaques contre Eric Ciotti et David Lisnard sont inacceptables », et loue « l’esprit du rassemblement », « condition de la victoire  contre Emmanuel Macron ». Désavoué publiquement par Xavier Bertrand, puis par Michel Barnier et Valérie Pécresse, Renaud Muselier, seul, blessé, annonce le lendemain sa démission d’une famille politique dans laquelle il n’avait plus sa place.  

Dans son exil politique, il ne sera toutefois pas seul. Il rejoint ses amis Christian Estrosi et Hubert Falco, qui ont récemment quitté le parti pour les mêmes raisons. Respectivement maires de Nice et de Toulon, et présidents des Métropoles correspondantes, ces barons locaux avaient déjà constitué une perte non négligeable pour le parti. Ces défections ont fait de la région PACA le laboratoire politique de la division entre deux droites de plus en plus irréconciliables : les « Macron-compatibles » face aux « Zemmour-compatibles ».  

Reste à savoir si Renaud Muselier rejoindra les troupes du président de la République. Pour l’instant, il botte en touche. Pour Eric Ciotti, aucun suspense : « Bon vent chez En Marche, et bon courage aux marcheurs ! Qui a trahi, trahira. » Il faut dire que le Niçois s’y connaît en  trahison, lui qui a bien failli se présenter aux élections municipales de Nice contre son ancien mentor devenu frère ennemi, Christian Estrosi. Toutefois, il convient de reconnaître à Eric Ciotti comme à Renaud Muselier une réelle constance concernant leurs valeurs politiques.  Au-delà des fluctuations partisanes, n’est-ce pas là la vraie fidélité en politique ?  

Antoine LIVIA