Erick Roméas : la Nuit des Champions, l’événement marseillais qui dépasse les frontières nationales

Erick Roméas au Full Contact Academy © Le Méridional

Une nouvelle fois, Erick Roméas est en train d’organiser l’un des événements français de référence en matière de boxe. Depuis presque 30 ans désormais (28ème édition en 2021), la Nuit des Champions rassemble à Marseille les plus grands : boxe thaï, kick boxing, et cette année pour la première fois, MMA (Arts Martiaux Mixtes). Derrière son regard calme, sa voix basse, son sourire un peu moqueur et ses 67 ans, on discerne chez lui une lucidité particulière. Et pour cause : l’expérience d’Erick Roméas lui permet de mesurer les êtres à sa manière, tant les athlètes reconnus que les débutants de sa salle de boxe.

« Cette fois-ci, exceptionnellement, je vous laisse aux bons soins de Nicolas » ; ce lundi, Erick Roméas s’éclipse pour une réunion, à l’approche de la Nuit des Champions du 20 novembre. D’ordinaire, le professeur du « Full Contact Academy » met un point d’honneur à s’occuper de ses élèves avec attention : montrer les enchaînements, corriger une posture, encourager par un mot.

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S’il a été biberonné aux sports de combat – puisque son père était lui-même professeur de judo et qu’Erick a commencé à pratiquer dès ses quatre ans – rien ne le prédestinait à l’origine à s’orienter vers le kick boxing. En grandissant, il s’aperçoit que le contact humain façon judo ne l’inspire pas. Il se tourne alors vers le karaté.

De Bruce Lee à Dominique Valera

« J’étais un fervent admirateur de Bruce Lee [artiste martial, acteur, réalisateur et producteur] ; ses prestations filmographiques me fascinaient ». Erick Roméas, alors âgé d’une quinzaine d’années, s’engage « à 100% » dans le karaté. En trois ans, il passe ceinture noire. « A l’époque, il faut savoir que les règles étaient strictes : on n’avait pas le droit de toucher au visage et on devait s’arrêter à 2 cm de l’adversaire. » L’homme fort du moment dans ces disciplines se nomme Dominique Valera : champion de France, d’Europe et champion du monde par équipes, ce karatéka français se forme aux Etats-Unis à la « boxe américaine ». C’est lui qui ramène le « full-contact » sur le Vieux continent, ce combat d’un nouveau style.

« On nous prenait un peu pour des déjantés »

De son côté, Erick Roméas devient professeur de karaté et découvre cette nouvelle pratique de full-contact. Un décollement de la rétine l’empêche de se lancer dans une véritable carrière de boxeur. Cela ne le freine pas dans son ambition de poursuivre dans le monde du « full ». « On ouvre des petits clubs et on se met à la pratique. Il y a 40 ans, c’était un sport de nouvelle génération, et il faut le dire, on nous prenait un peu pour des déjantés, souligne-t-il. Le ministère interdisait d’organiser des événements officiels. Pourtant, la sauce prenait. »

Entre les années 1980 et 2000, il forme plusieurs champions de France, d’Europe et du monde. Il rencontre des pépites de l’univers de la boxe et organise des combats mythiques entre des boxeurs dont les noms font rêver les passionnés d’arts martiaux.

Dans ce monde des arts martiaux, on entend parler muaythaï, kick boxing, full-contact, jiujitsu, mais aussi pancrace et « ultimate fight » : ce que l’on nomme aujourd’hui « MMA » (« Mixed Martial Arts ») se pratiquait officiellement dans de nombreux pays mais pas en France. Or, pour toute organisation d’événements, l’autorisation ministérielle est obligatoire pour rejoindre une fédération. Erick Roméas participe à des missions parlementaires, notamment en tant que vice-président de la Fédération française de kick boxing, muaythaï et disciplines associées. Avec la DNT (Direction technique nationale), ils finissent par faire admettre au ministère l’agrément du pancrace (où tous les coups sont autorisés, sauf au sol). L’agrément ministériel pour la pratique du MMA, sous l’égide de la Fédération de boxe, est accordé par la ministre des Sports et ancienne nageuse Roxana Maracineanu, en 2020.

Les femmes et la boxe

Et les femmes, justement, dans ce monde de violence encadrée ? Erick Roméas avoue avec bonne foi avoir mis un peu de temps à changer de regard sur ce sujet. « Des femmes à l’entraînement, évidemment ; mais au combat, c’est différent… » Ce sont des rencontres avec des boxeuses mordues et un bon nombre de discussions qui l’ont convaincu. Et de beaux combats féminins, meilleurs que ceux des hommes à l’occasion de certains événements. Des combattantes à la Nuit des Champions, il y en a. Peut-être même dès cette année en MMA. « On ne force pas une femme à monter sur un ring. Quand elle y va, ce n’est pas pour fanfaronner, mais parce qu’elle en a envie ; et cela se voit. »

Le succès de la Nuit des Champions

Au fil des années, Erick Roméas a donc endossé le costume d’organisateur. Pour de « petits événements » d’abord, avec 300 personnes dans la salle. Il s’accroche, avec les encouragements de son épouse Marie-France, également passionnée de kick boxing. Jusqu’à attirer l’attention des institutions du territoire marseillais (la Nuit des Champions est ainsi soutenue par la ville de Marseille, la Région, le Département et la Métropole) et des grosses chaînes de télévision (notamment à la « grande époque de Charles Biétry »). Et la passion du public marseillais (n’oublions pas que le sud est un territoire de boxe depuis les temps grecs) mais aussi régional, national et au-delà.

Pour Erick Roméas, ce qui a changé par rapport aux premières années d’organisation d’événements pieds-poings est peut-être qu’il n’y a plus véritablement de « stars », mais plutôt un grand nombre de champions. « La qualité est là, elle est même meilleure ; mais on ne vient plus pour un seul nom à l’affiche comme c’était le cas avant », explique-t-il.

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Pour la première fois cette année, en plus des combats classiques, il y aura des combats de MMA à la Nuit des Champions. « Je suis curieux de voir la réaction du public, conclut Erick Roméas. J’attends les retours avec impatience. » Pour celui qui organise également une fois par an l’événement « Octofight » à Marseille, il ne serait pas improbable de « remettre le couvert » une deuxième fois en MMA, à travers une deuxième édition annuelle de l’Octofight (en mai prochain). Erick Roméas entend bien aussi transmettre son expérience à la nouvelle génération (son fils et sa fille sont aussi des passionnés de boxe) tout en la laissant s’adapter aux nouvelles attentes du public et aux évolutions du monde de la boxe.

Professeur dans l’âme

Erick Roméas est aujourd’hui reconnu et respecté comme promoteur dans le monde de la boxe. Mais chez lui, c’est le professeur, fin pédagogue, qu’apprécient le plus ses élèves.

Thomas MOREAU

La Nuit des Champions; 20 novembre 2021 au Palais des Sports de Marseille. Billetterie et informations à retrouver en ligne.