Anniversaire de la rue d’Aubagne. David Ytier, vice-président à la Métropole : « Ce drame nous oblige »

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Triste anniversaire que celui de la troisième année du drame de la rue d’Aubagne. Le 5 novembre 2018 à 9h, deux immeubles vétustes du quartier de Noailles s’effondraient, provoquant la mort de huit personnes. Au cours des mois qui suivent, 4 500 Marseillais habitant dans plus de 500 immeubles dangereux sont évacués.

Aujourd’hui, la Métropole d’Aix-Marseille-Provence souhaite donner une visibilité sur son engagement contre l’habitat indigne. David Ytier, vice-président à la Métropole, délégué à l’habitat, au logement et à la lutte contre l’habitat indigne, répond aux questions du Méridional.

Le Méridional : David Ytier, déjà trois ans qu’a eu lieu le drame de la rue d’Aubagne…

David Ytier : Ce drame du 5 novembre a marqué Marseille et tout notre territoire. Il nous donne un devoir en matière d’action publique, c’est celui d’être capables de répondre par des actes, d’avoir une réponse forte en matière de lutte contre l’habitat indigne. Cette date est l’occasion d’avoir une pensée pour ces victimes et de se rappeler ce devoir qui est le nôtre aujourd’hui.  Nous avons en tête ce drame qui nous oblige.

L.M : Quelles sont les grandes lignes de la politique de l’habitat de la métropole Aix-Marseille-Provence ?

D.Y : La Métropole veut une stratégie métropolitaine de l’habitat : elle se concrétisera notamment par le vote du futur programme local de l’habitat de la métropole, dont celle-ci ne dispose pas encore mais qui sera présenté au Conseil métropolitain mi-2022. Plus qu’ailleurs, notre territoire est marqué par ces questions d’habitat indigne.  Notre objectif est d’avoir des outils et des politiques opérationnels sur le sujet pour montrer aux habitants que les pouvoirs publics sont capables de faire bouger les choses et d’agir avec l’ensemble des institutions, chacune à son échelle. Le rôle de l’Etat est évidemment très important.

L.M : Tout de suite après la tragédie du 5 novembre, un guichet unique d’accompagnement a été mis en place par la Métropole ?

D.Y : Une des volontés de la présidente Martine Vassal a été d’impulser une stratégie de lutte contre l’habitat indigne qui passait notamment par la nécessité de rassembler tous les services qui peuvent donner des réponses aux habitants. C’est l’origine de l’espace accompagnement habitat qui existe rue de la République, à Marseille, devenu un véritable lieu à la fois d’accueil et de réponse pour l’ensemble des habitants, locataires comme propriétaires. C’est le lieu aussi d’où l’on pilote le permis de louer. Le dispositif sera sans doute étendu au vu de son succès actuel.

L.M : Pouvez-vous parler des « îlots prioritaires » ?

D.Y : A Marseille, un périmètre de 1 000 ha a été déterminé : le périmètre du projet partenarial d’aménagement du centre-ville de Marseille qui devrait permettre à terme de redonner de la vie à ce cœur de ville en améliorant le quotidien des habitants. C’est là que se concentre une bonne partie de l’habitat indigne. Quatre îlots dits « prioritaires » ont été désignés.  C’est là qu’il fallait intervenir en premier, pour pouvoir ensuite déployer la stratégie sur l’intégralité du périmètre du projet partenarial de l’aménagement.

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L.M : Une autre action opérationnelle : pourquoi le lancement d’une grande enquête pour connaître l’avis des Marseillais sur l’aménagement du centre-ville ?

D.Y : Avant de devenir opérationnels et de pouvoir intervenir concrètement sur ces immeubles, il nous fallait affiner notre connaissance de cet habitat indigne. Cette enquête (lancée il y a quelques jours) permet d’aller dans les immeubles, de regarder l’état du bâti, de prendre contact avec les habitants qui y résident quand les bâtiments sont occupés, ce qui nous permet d’avoir une connaissance extrêmement fine de ces immeubles sur lesquels nous serons amenés à intervenir.

Nous allons pouvoir affiner les besoins financiers qui seront les nôtres dans cette politique publique. Ce chantier, nous pourrons le mener avec l’aide de la solidarité nationale. Il faut savoir exactement de quoi nous avons besoin. Nous avons pris rendez-vous avec le président de la République pour fin mars 2022. Ce sera l’occasion de présenter le résultat des études habitat pour demander l’aide de la solidarité nationale et permettre par la suite d’engager la politique publique sur ces secteurs et sur ces îlots démonstrateurs.

L.M : Quelques mots sur l’accompagnement des propriétaires ?

D.Y : Cette lutte contre l’habitat indigne est complexe parce qu’elle fait face aussi à de l’habitat privé. Des propriétaires qui sont parfois des marchands de sommeil, parfois des gens de bonne foi. Notre rôle sera, sur ces immeubles qui resteront des immeubles aux mains des propriétaires privés, d’accompagner les propriétaires avec les aides notamment de l’agence nationale pour l’amélioration de l’habitat, pour faire ces rénovations lorsqu’elles sont possibles. Là où le privé ne pourra pas faire son travail ou ne voudra pas le faire, nous irons directement prendre la maîtrise foncière de ces immeubles. Sur ce sujet, les institutions ont les mêmes ambitions. Nous n’avons pas le droit à l’erreur.

L.M : Quelles sont les prochaines étapes ?

D.Y : Tout le travail qui est en train d’être fait par les équipes de la Métropole, les équipes de la Ville et celles de la société publique locale d’aménagement d’intérêt national, sans oublier les équipes de l’Etat. Le rendez-vous fort donc, c’est mars 2022. Une fois passée cette étape, nous pourrons montrer aux Marseillais que les immeubles vont entrer en réhabilitation. Sur un temps long, mais certain. 2022 sera une année tournant sur ce sujet de la lutte contre l’habitat indigne à Marseille.

Propos recueillis par la rédaction du Méridional