Notre-Dame, Lubrizol… quand l’entreprise Séché intervient sur les lieux de danger pour éviter la catastrophe

L'équipe de Séché urgences interventions sur l'accident des Ardennes en juin 2021 © Mickaël Prestavoine

Les professionnels du risque environnemental connaissent bien le nom de Séché urgences interventions. Branche du groupe Séché Environnement, elle s’est notamment occupée de gros chantiers comme ceux de Notre-Dame de Paris après l’incendie (avril 2019), de Lubrizol (septembre 2019) ou encore de la collision de trains SNCF (juin 2021). Directeur des Opérations industrielles chez Séché urgences interventions, Mickaël Prestavoine nous parle du travail essentiel de ses équipes, qui fonctionnent en étroite collaboration avec les pompiers et les autorités.

Une histoire née dans l’adolescence, ou presque : à 16 ans, Mickaël Prestavoine entre comme sapeur-pompier volontaire, un engagement qu’il poursuit jusqu’à ses 30 ans. Entre-temps, il a créé sa propre entreprise à 24 ans, à la suite d’un constat récurrent : quand les pompiers arrivent sur certains lieux d’accident à forts risques industriels (au sens large), ils sont souvent bloqués dans leurs interventions. « Le système n’était pas du tout structuré pour répondre à ce type d’accidents », appuie le directeur des opérations. De la région grand ouest, l’entreprise se déploie. Mickaël Prestavoine revend la société, mais revient dans le groupe une dizaine d’années plus tard, aux côtés de Joël Séché. En étroite collaboration avec Franck Morineau, il peaufine le projet. Aujourd’hui, Séché urgences interventions connaît un niveau d’activité très fort. « On aurait pensé que le covid ralentirait les interventions, mais cela a été tout l’inverse, remarque Mickaël Prestavoine. En raison du manque d’entretien sur certains sites industriels, les dégradations se sont multipliées. »

Ce dernier a été l’une des premières personnes à pénétrer dans la crypte de Notre-Dame de Paris après l’extinction de l’incendie. « Tout le plomb de la structure avait coulé, il a fallu mener un énorme travail de décontamination ; avec d’autant plus d’attention que nous étions pilotés par des spécialistes pour ne pas abîmer les objets. »

Sur l’accident des Ardennes en juin 2021 © Mickaël Prestavoine

Le chantier de Notre-Dame n’est pas le seul chantier emblématique des activités de l’entreprise. En mars 2019, le porte-conteneur Grande-America sombre au large de La Rochelle. Plus récemment, en juin 2021, un train transportant des acides entre en collision avec un train de marchandises. « Sept citernes en pleine commune, un danger très élevé : il a fallu prendre en charge l’intégralité des effluents », souligne Mickaël Prestavoine. Mais l’entreprise intervient tout autant lors du renversement d’un bocal de mercure dans un lycée ou d’un accident de la route.

Une intervention en moins de 4h

L’ancien pompier détaille l’origine du développement de l’entreprise. Face à des accidents impliquant des matières chimiques, des produits hydrocarburés etc., les difficultés opérationnelles sont évidentes pour les pompiers, premiers à se rendre sur les lieux. Séché urgences interventions s’engage dans ses contrats à répondre en moins de 4h aux sollicitations de ses clients. La branche intervient aussi auprès des particuliers. Le directeur des opérations nous raconte qu’il vient d’être contacté par une femme possédant un appartement en face de Notre-Dame ; elle n’y était pas retournée depuis l’incendie. Les taux de teneur en plomb se sont révélés catastrophiques.

L’organisation fonctionne 24h/24, 7j/7 avec un principe d’équipe : lorsque les gens appellent sur le numéro vert 0 800 000 430, ils tombent automatiquement sur un cadre chimiste d’astreinte qui va réaliser une caractérisation : soit avec les pompiers, soit avec le préfet, soit avec les sites de la préfecture. Après l’état des lieux, les équipes de terrain sont envoyées.

Si le groupe Séché Environnement compte plus de 4 000 personnes, il y a environ 70 personnes pour Séché urgences interventions. Une vingtaine est en capacité de faire un premier départ. D’autres se mobilisent ensuite, de 3-4 personnes à plus de 70 selon le type d’accident.

« Nos équipes fonctionnent selon une logique de « têtes chaudes » – « têtes froides », explique encore le directeur. L’équipe de terrain, protégée et équipée au maximum (car on ne peut se permettre le sur-accident) est pilotée à distance, l’équipe du bureau est chargée de lui poser toutes les bonnes questions, elle est la « boîte à penser » : repérer les étiquetages, les risques électriques, les odeurs… Les têtes chaudes se prennent le stress de l’accident – qui implique parfois des décès -, les relations avec les autorités… » Dans un certain nombre de cas, le type même de déchets impliqués dans l’accident reste incertain, par exemple dans le cas d’un camion en provenance d’une déchetterie qui prend feu.

Ces professionnels ont une formation de bac + 5 en chimie, mais ont surtout une expérience de 15 à 25 ans derrière eux. Beaucoup sont aussi spécialisés dans un domaine particulier : la chimie organique, minérale, les risques bactériologiques…

Les mots d’ordre : rapidité et sûreté

Le spectre large de Séché urgences intervention fait sa force : « Notre métier, c’est l’expertise, de la prise en charge au traitement de l’ensemble des déchets, résume Mickaël Prestavoine. Nos assureurs ont besoin d’avoir un seul prestataire qui dit : “je sais identifier le déchet, le reconditionner, le transporter, le traiter.” » Une expertise indispensable, d’autant plus que la pression est souvent très forte, pour rouvrir des routes ou des sites industriels. Le traitement des déchets s’effectue au sein de sites spécialisés, avec des outils de haute technologie.

Une relation historique très forte avec les pompiers

De par l’histoire de l’entreprise et de par ses activités, Séché urgences interventions entretient une relation historique très forte avec les sapeurs-pompiers ; beaucoup parmi les salariés sont d’anciens sapeurs-pompiers. « L’immense avantage, c’est qu’on fonctionne de la même façon : on parle le même langage, on a les mêmes codes, une logique assez militaire, des expertises poussées, puisqu’on intervient sur des produits sensibles, susceptibles de produire des risques bactériologiques, chimiques ou explosifs. »

Les équipes de Séché urgences interventions possèdent un matériel très diversifié © Mickaël Prestavoine

Séché urgences intervention a donc créé des partenariats étroits avec les différents SDIS (Service départemental de service et d’incendie), et s’inscrit dans une logique de soutien opérationnel et de complémentarité.

Une compétence française à l’international

La couverture de Séché urgences interventions est de plus en plus large : l’entreprise est désormais implantée en Afrique du Sud, au Chili, au Pérou, en Espagne, en Italie… elle est aussi très sollicitée par les grands groupes de l’industrie française, pour les accompagner dans des pays où ils sont implantés ; ces industries se doivent en effet de respecter leur charte éthique et de transférer leur standard opérationnel sur les pays d’implantation.

« Nos métiers sont en constante évolution, sur le plan technologique et pratique, conclut Mickaël Prestavoine. L’actualité démontre qu’on ne peut jamais prévoir les gros accidents. Pour y faire face et éviter la catastrophe, il faut des techniciens certes, mais aussi des passionnés de l’environnement ! »

Raphaëlle PAOLI