Marseille doit retrouver son statut de port franc

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Le président de la République a récemment dévoilé à Marseille un plan d’aides massif à la ville baptisé « Marseille en grand ». Plutôt que d’y déverser de l’argent public depuis l’extérieur, l’État devrait lui donner les moyens de profiter par elle-même des atouts exceptionnels dont elle dispose. Pour cela, il convient de la libérer de ses chaînes fiscales, notamment en lui rendant son statut de port franc, perdu il y a deux siècles.

Parfaitement à l’aise dans la figure du sauveur, Emmanuel Macron est descendu annoncer aux Marseillais la bonne nouvelle. Réhabilitation de 10.000 logements insalubres, rénovation de dizaines d’écoles délabrées, renfort de 300 policiers… Lors de son discours au Pharo du 2 septembre, le président-candidat a enchaîné les promesses censées soulager la ville des maux qui l’affectent. Mi-octobre, il est discrètement revenu pour superviser leur mise en œuvre. Au total, c’est près d’1,5 milliard d’euros qui doit être débloqué par l’État pour secourir la capitale de la Provence en détresse.

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Toutefois, si la ville connaît des difficultés bien réelles, elle est bien plus qu’une ville sinistrée incapable d’assurer sa propre gestion, et concentre des atouts exceptionnels. Au-delà des poncifs – justifiés – sur le climat et l’art de vivre, la cité phocéenne se démarque par son dynamisme économique. Avec Euroméditerranée, elle dispose du troisième quartier d’affaires de France, où des milliers d’entreprises ont élu domicile. Son écosystème de start-ups innovantes est exceptionnel, et développe une myriade de projets. La position géographique idéale de Marseille lui permet de tenir son rang de premier port de France. Elle a également fait d’elle un carrefour international où convergent les câbles sous-marins permettant le transfert de données numériques vers le reste du monde.

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On pourrait multiplier les illustrations à l’envi, mais il est un indicateur qui ne ment pas : le marché de l’immobilier. Le baromètre emploi 2021 du réseau professionnel LinkedIn révèle que le ratio arrivées/départs est de – 17,6% pour Paris, tandis que Marseille caracole en tête des villes les plus attractives avec + 8,2%. Les deux chiffres sont liés : de nombreux témoignages décrivent la ruée des Parisiens vers la cité provençale, où ils causent une flambée des prix du logement dans certains quartiers. C’est également d’une ville martyre de la gauche que les Parisiens s’éloignent. Après vingt ans de gestion socialiste, la circulation automobile y est devenue un enfer, et d’après un sondage Ifop la saleté croissante choque 8 habitants sur 10, jusqu’à donner naissance au mot-dièse à succès #SaccageParis.

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Le diagnostic est donc injuste, tout comme la méthode est erronée. Si le président compte venir en aide à Marseille, ce n’est pas en faisant la charité depuis Paris avec des subventions publiques qu’il y parviendra. Il lui faut au contraire donner les moyens à la cité phocéenne de s’élever par elle-même, en tirant le meilleur parti de ses formidables atouts. Pour cela, Macron aurait tout intérêt à libérer son potentiel en rétablissant son statut de port franc. Il s’agit d’une zone portuaire où les marchandises qui transitent sont exemptées de droits de douane, excepté celles qui rentrent dans les terres. En 1669, Colbert avait octroyé à Marseille ce privilège, grâce auquel elle avait connu une grande prospérité. La Révolution abolit cette franchise, causant le déclin du commerce marseillais, qui profitait à toute la région. Plusieurs villes portuaires étrangères bénéficient aujourd’hui de cet avantage, comme Copenhague, Singapour et Pékin, et de nombreuses autres projettent de les rejoindre. Cela permettrait de mettre fin à l’hyper concentration parisienne, en faisant de Marseille la capitale des affaires du pays, tout en laissant à Paris son rôle de capitale politique – ce que Milan est à Rome en Italie. Alors qu’attendons-nous ?

Le président l’avait lui-même déclaré lors de son discours au Pharo : « Aider Marseille à réussir, ce n’est d’abord pas lui faire l’aumône, c’est aider à déclencher quelque chose qui est là ». A force de dire tout et son contraire – le fameux « en même temps » –, on finit bien par viser juste.

Antoine LIVIA