« La folie Pastré » : un portrait tout en finesse de la fascinante comtesse marseillaise

Vue ancienne de la Villa provençale © BnF Gallica

Nombreux sont les Marseillais qui, au détour d’une conversation familiale, ont entendu parler de « Lily Pastré ». Née à Marseille en 1891, décédée dans la même ville, Marie-Louise Double de Saint-Lambert a traversé les décennies qui ont façonné le XXe siècle : la Belle époque, la Grande Guerre, les Années folles, la Seconde Guerre mondiale… celle qui est devenue la comtesse Pastré a été à l’image de cette époque fascinante et changeante. Nous avons rencontré Olivier Bellamy, journaliste et animateur (notamment sur Radio Classique entre 2004 et 2019), auteur d’un livre passionnant intitulé « La folie Pastré ». L’ouvrage brosse le portrait enlevé d’une femme d’exception.

On savoure d’entrée de jeu le titre de l’ouvrage : la folie comme maison de plaisance souvent édifiée par les nobles et les grands bourgeois qui en avaient les moyens, en périphérie des villes. Clin d’œil à la maison préférée de Lily Pastré, « la Villa provençale », bastide du XVIIIème au cœur du parc de la Campagne Pastré, où elle se sentait véritablement chez elle à Marseille. « La villa provençale incarnait à la fois la douce folie de cette période et celle de la comtesse », nous explique Olivier Bellamy.

Olivier Bellamy à la bibliothèque des Arcenaulx à Marseille © Le Méridional

Marie-Louise grandit donc à Marseille, héritière de la fortune du fameux vermouth Noilly Prat. Elle goûte très jeune à la musique. Elle n’a pas, à proprement parler, de don pour cet art, mais on peut certainement dire qu’elle est une véritable artiste. En 1918, elle épouse le comte Pastré, dont elle aura trois enfants. Son époux multipliera les infidélités, et le couple divorcera en 1940. Peut-être est-ce de ce moment que date la volonté de Lily Pastré de voler de ses propres ailes. En 1942, alors que la zone sud est désormais occupée, elle accueille dans sa villa de nombreux intellectuels et artistes, juifs ou non, en déroute (notamment André Breton, Max Ernst, Claude Lévi-Strauss…) ainsi que des opposants au régime nazi.

Lily Pastré refuse que le monde de la culture se laisse abattre. Son association « Pour que l’esprit vive » veut y veiller. A travers cette mission, elle sauve aussi des griffes allemandes un certain nombre de réfugiés.

Souvenir particulièrement incroyable : celui de la représentation au clair de lune, un soir de juillet 1942, du « Songe d’une nuit d’été » de Shakespeare, où plus de 50 comédiens, dont de nombreux juifs, montent sur scène. Pied de nez aux autorités allemandes présentes. Cette anecdote restée dans les annales illustre sans doute le côté complètement « hors-cadres » de la comtesse. L’auteur de « La folie Pastré » insiste avec un air sérieux : « les vrais mécènes ne recherchent pas la lumière ». « Il était d’ailleurs dans sa nature d’artiste de donner », ajoute-t-il. Lily Pastré, « bonne mère des artistes » n’a jamais regardé à la dépense pour leur soutien ou celui des pauvres.

Le livre d’Olivier Bellamy situe la comtesse dans cet environnement si important pour elle du monde de la musique. Son souvenir demeure encore aujourd’hui notamment par sa contribution importante à la création du Festival d’Aix-en-Provence, en 1948. Originale et attachante, Lily Pastré est une figure à laquelle les Marseillais doivent beaucoup.

Jeanne RIVIERE

« La folie Pastré », Olivier Bellamy, juin 2021, éditions Grasset, 18€.