« Eugénie Grandet », une nouvelle adaptation de Marc Dugain

Balzac, on le sait, a été et reste un vivier inépuisable pour les réalisateurs (Le colonel Chabert, le Père Goriot, et bien d’autres.) L’avantage des « classiques », dont Eugénie Grandet fait partie, mais qui implique aussi de conserver une certaine fidélité à l’esprit de l’auteur. La nouvelle adaptation (« librement inspirée du roman de Balzac ») du réalisateur Marc Dugain, aussi écrivain, ne pêche pas de ce côté-là dans les grands traits, mais dans des détails.

Celui qui a réalisé notamment « L’échange des princesses » a l’habitude des changements d’époques et des adaptations de livres. On retrouve avec plaisir l’excellent acteur Olivier Gourmet, qui endosse à merveille son rôle de père rusé, avare et inflexible (« De tous les vices, ton père a choisi celui qui coûte le moins cher : l’avarice », soupire la mère de l’héroïne) Il forme, avec Joséphine Japy, qui incarne le personnage éponyme, une fameuse paire ; tous deux illustrent cette relation père-fille, l’une de celles qui ont tant fasciné Honoré de Balzac dans son immense Comédie humaine.

Dans la petite ville de Saumur, quelques décennies après la Révolution française, la famille Grandet habite dans une modeste demeure, dépourvue de tout confort bourgeois. Le « père Grandet » est pourtant toujours à l’affût des bonnes affaires et des investissements « qui rapportent gros », sans coûter beaucoup. Sa femme et sa fille en font les frais. Eugénie attend que son père se décide sur son mariage. Mais la question de la dot irrite Félix Grandet… et puis, qui pourrait bien mériter cette enfant unique qui héritera de toute sa fortune ? Lorsqu’un jour débarque de Paris le fils de son frère, jeune homme parisien et bien mis, le cœur d’Eugénie s’y attache. Les jeunes gens se font des promesses. Et puis… Charles doit malgré lui traverser l’océan, pour réparer sa fortune et conserver la réputation de son nom. La vie passe, toujours dominée par le père autoritaire et maladivement avare : un de ceux prêt à sacrifier sa famille plutôt que son argent : « qui ne respecte pas l’argent n’est pas digne de bonheur » ; un adage que Félix Grandet ne reniera pas, jusqu’à son dernier souffle.

L’ambiance du XIXe siècle est là, comme on l’imagine en lisant le roman de Balzac. La façon de filmer, en clair-obscur, est assez pesante. Par ailleurs, la « patte » féministe est sans aucun doute exagérée par rapport à l’œuvre de Balzac, notamment la fin, très différente de celle du roman d’origine. Une nouvelle adaptation, sans plus, malgré ses bons acteurs. Mais la question des rapports humains démontre encore une fois combien l’œuvre de Balzac reste indémodable.

Jeanne RIVIERE