Explosion à Beyrouth : un an après, le quotidien des volontaires

Des volontaires déblaient les décombres après l'explosion © SOS Chrétiens d'Orient

Il y a tout juste un an, le 4 août 2020, l’explosion d’un hangar rempli de nitrate d’ammonium sur le port de Beyrouth faisait plus de 200 morts, 6 500 blessés et 300 000 sans-abris, laissant la capitale libanaise exsangue, et précipitant le pays dans une crise encore plus forte. Un an plus tard, l’enfer n’a pas cessé : les Libanais souffrent au quotidien du dénuement, mais aussi du découragement. Au milieu de ces ruines, des volontaires donnent de leur temps pour, justement, empêcher à leur mesure que le pays entier ne sombre dans le désespoir. Le Méridional a échangé avec William Pauthe, un jeune Montpelliérain de 20 ans, actuellement parti avec SOS Chrétiens d’Orient pour participer à la reconstruction, concrète et humaine, du peuple libanais.

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« C’est encore pire » : ces mots, on n’avait pas envie de les entendre, mais on les pressentait. En deux mois de mission au Liban, William Pauthe n’a pas mis longtemps à prendre le pouls de la situation. Passé par Beyrouth, il a surtout travaillé à Qaa, un village dans la région de la Bekaa, situé à un peu plus d’une centaine de kilomètres de la capitale. « Le pays s’enfonce de plus en plus chaque jour : la livre libanaise a perdu 90% de sa valeur par rapport au dollar ; il y a très peu d’électricité ; et dans certaines régions, l’eau commence à manquer. Il n’y a plus de mazout, essentiel puisqu’il fait fonctionner les générateurs des villages. L’autre jour, j’avais besoin d’une boîte de Doliprane : j’ai mis une journée à en trouver. »

Les immeubles dévastés par l’explosion du 4 août 2020 © SOS Chrétiens d’Orient

Sombre tableau. Au milieu de cela, la colère des Libanais, qui s’est, à force, muée en immense lassitude, en renoncement à comprendre : aucune volonté de la part des dirigeants de tirer au clair la catastrophe, pas de justice, personne aux commandes en cette crise dantesque.

SOS Chrétiens d’Orient : au plus proche des victimes

La présence des associations constitue donc un trésor pour les habitants, qui ont conscience de leur abandon. Présente sur place, SOS Chrétiens d’Orient a vécu la tragédie au plus près, et a pu immédiatement porter secours aux victimes. Du 4 août 2020 au 4 août 2021, grâce à la mobilisation exceptionnelle de ses donateurs, SOS Chrétiens d’Orient a pu recevoir au Liban 169 volontaires venus de tous pays, et venir en aide à un total de 18 024 bénéficiaires. A la mobilisation d’urgence a succédé le soutien à long terme à la société libanaise dans les domaines essentiels de l’éducation, du médical et du développement culturel.

Le nettoyage d’une école par les volontaires © SOS Chrétiens d’Orient

SOS Chrétiens d’Orient, comme d’autres associations présentes (Fondation Albert Nassar, Offrejoie…) est là pour épauler et réparer. Le quotidien d’un volontaire comme William se partage entre travail physique, à la ferme (s’occuper des animaux, faire des travaux…), peintures (utilitaires ou peintures de fresques et de messages d’espoir), bref, travaux manuels, et aide à l’école : projets de jumelage, activités culturelles… Et beaucoup de sport, pour que les enfants se changent les idées.

Les enfants, avenir du pays, à chérir

Et surtout, surtout : soutien aux enfants, par tous les moyens possibles : « Les enfants sont les plus touchés par la crise. A la rentrée prochaine, beaucoup d’écoles ne vont sans doute pas pouvoir rouvrir leurs portes. A cause de la crise, l’école est tout ce qui reste aux enfants, et je peux vous dire qu’ils ont conscience de l’importance de l’éducation. » Ils sont d’ailleurs fascinés de voir des volontaires étrangers, surtout venus de France, la terre que beaucoup de leurs parents appellent encore « la Mère ». William Pauthe le souligne, il s’agit de redonner confiance aux jeunes, pour qu’ils puissent redresser le pays.

William Pauthe avec les enfants de l’école © William Pauthe DR

Eviter l’hémorragie de l’exil

Les Libanais, à l’image du cèdre de leur drapeau, ont un lien qui les enracine profondément dans leur terre. C’est d’autant plus un arrachement de se contraindre à l’exil. « Certains habitent au même endroit depuis plus de 10 générations. Ceux qui restent et choisissent de se battre, ce sont ceux qui en ont les moyens. Les autres savent qu’ils sont condamnés : ils veulent partir en France ou au Canada par exemple. » William raconte un épisode qui fait prendre conscience de cet arrachement à contre-cœur : « J’ai discuté avec un jeune militaire de 23 ans, qui examinait lucidement sa situation : il ne gagnait plus rien, ne pouvait pas se marier, pas élever décemment des enfants : que faire d’autre que partir ? »

Des volontaires organisent la répartition des dons © SOS Chrétiens d’Orient

Des associations comme SOS Chrétiens d’Orient tentent justement de donner les moyens à un maximum de Libanais de demeurer sur leur terre. Un défi difficile à relever.

La foi, dernier rempart contre le désespoir

« En arrivant ici, j’ai été soufflé par la foi des Libanais, profonde et vraie : des oratoires à tous les coins de rue, des églises remplies ; les jeunes sont très croyants. Leur dernière richesse, c’est la foi… » Plus encore que le soutien matériel, il s’agit de donner de l’espoir. Remède à toutes les blessures.

Jeanne RIVIERE