Le Christ avait-il de l’humour ?

« Drôle d’idée », peut-on se dire en voyant la couverture du livre Les 33 meilleures blagues de Jésus. Un tel titre n’est cependant pas aussi désinvolte qu’il y paraît ; et le sous-titre de l’ouvrage, « Essai sur la divine drôlerie des Evangiles », vient rétablir juste la dose de sérieux qu’il fallait.

Ce n’est pas que rien n’ait jamais été écrit sur l’humour du Christ. Les deux auteurs, Basile de Koch et Richard de Seze, en savent quelque chose, puisqu’ils ont consciencieusement épluché les livres des « savants » de toutes sortes. Et composé des fiches préparatoires sur les différentes sortes de poissons qui peuplaient le lac de Tibériade il y a deux mille ans.

Mais le but de cette collaboration est de faire voir à ceux qui ont des yeux, de faire entendre à ceux qui ont des oreilles (pour paraphraser l’évangile) que le Nouveau Testament est rempli de l’humour du Christ. « Nous voulions que les gens comprennent que l’évangile est truffé de drôleries de toutes sortes : plus que 33 évidemment ! » nous précise Richard de Seze.

Depuis des siècles, on lit, on commente, on entend les textes de l’évangile. Au point sans aucun doute de ne plus se rendre compte de leur fraîcheur et de leur actualité. Il faut conserver une âme d’enfant pour goûter l’humour de Jésus : quand celui-ci délivre des habitants des esprits mauvais et permet à ces derniers d’investir le corps grassouillet de porcs en train de paître, que les porcs se jettent en couinant du haut de la falaise… le spectacle devait être singulièrement impressionnant ! Quand Jésus « teste » saint Pierre en l’encourageant à venir le rejoindre en marchant sur l’eau, quand il discute avec la Samaritaine sur les bienfaits d’une « eau vive » qu’elle s’obstine à vouloir puiser…

S’il n’est nulle part rapporté que le Fils de Dieu a ri aux éclats, ce livre nous donne un aperçu de son humour : comique de situation, comique de langage, humour fin (comme quand Jésus fait référence façon « private joke » à l’Ancien Testament)… et que dire du « bon tour » joué aux pèlerins d’Emmaüs, qui, aussitôt après avoir reconnu le Christ, le voient disparaître ? Tout n’est pas rapporté dans le livre, mais les clés sont là : chrétiens assidus ou connaisseurs partiels des scènes de l’évangile prendront plaisir à décrypter l’humour du Christ avec les auteurs, de façon à la fois légère et profonde. D’autant plus avec l’aide des dessins simples mais si évocateurs et drôles qui accompagnent chaque texte.

Dans sa Somme théologique (qui n’est pourtant pas le livre le plus amusant du monde), saint Thomas d’Aquin vante une vertu singulière : l’eutrapélie, la disposition à plaisanter : « Il est contraire à la raison d’être un poids pour autrui, de n’offrir aucun agrément et d’empêcher son prochain de se réjouir (…) Ceux qui refusent de se distraire, qui ne racontent jamais de plaisanteries et rebutent ceux qui en disent, ceux-là sont vicieux, pénibles et mal élevés. » Pourquoi Jésus aurait-il manqué d’humour? De quoi nous convaincre de relire les évangiles avec un œil neuf.

Jeanne RIVIERE

Les 33 meilleures blagues de Jésus, Basile de Koch et Richard de Seze, éditions du Cerf, 15€, 160 pages; à paraître le 24 juin 2021.