Le casse-tête des procurations… jusqu’au découragement

© DR

Alors que les élections régionales et départementales approchent (20 et 27 juin prochains), les citoyens qui se trouvent dans l’impossibilité de se rendre aux urnes ces jours-là ont la possibilité de confier leur vote à un tiers de confiance. Mais établir une procuration n’est pas si simple qu’il y paraît.

La volonté de simplifier les démarches pour les votes par procuration n’est pas nouvelle. Les autorités publiques ont mis en ligne le formulaire de procuration, qui permet d’être rempli manuellement à l’avance et donc de gagner du temps. Mais les citoyens doivent toujours se rendre au commissariat (ou dans une brigade de gendarmerie ou dans un tribunal d’instance) pour déposer le feuillet et faire enregistrer la demande.

Une organisation chronophage

Premier problème : il y a de moins en moins de commissariats. En région parisienne par exemple, les regroupements sont monnaie courante depuis quelques années. Il n’y a pas non plus, au sein des commissariats, de service dédié à l’établissement des procurations. Malgré cela, une organisation rigoureuse est nécessaire, puisqu’il faut s’accorder avec les services de la mairie, qui doivent eux aussi réceptionner et enregistrer les demandes.

Une attente, parfois vaine

Du côté des citoyens, nous avons rencontré deux cas de figure, qui se rejoignent tous deux sur la question du temps. Les citoyens habitant à la campagne ou dans des petites communes n’ont souvent pas le temps de faire de la route pour se rendre dans un commissariat. Et dans les grandes villes, les commissariats sont déjà pris d’assaut… pour les procurations mais pour toutes les autres affaires qui les concernent davantage ! A Marseille, Mathilde avoue qu’elle a fini par lâcher l’affaire : cela fait une semaine qu’elle se rend au commissariat tous les matins avant le travail, attend une heure dans la queue, pour finalement être obligée de partir sans avoir pu être reçue au guichet des procurations : « J’avais déjà dû faire une procuration pour un précédent vote, et j’avais rencontré les mêmes problèmes. Cette année, j’ai voulu m’y prendre un mois à l’avance, mais je ne vais pas non plus passer tous mes moments libres à patienter dans la file pour rien ! » Elle ne votera probablement pas aux doubles élections des 20 et 27 juin.

Pourquoi les commissariats et non les mairies ?

Il revient aux fonctionnaires de police de traiter les demandes, alors qu’ils sont submergés de travail. Pourquoi le processus n’est-il pas établi en mairie ? La question a été posée il y a quelques années déjà (en 2012) par madame Virginie Klès, alors sénatrice d’Ille-et-Vilaine, au ministère de l’Intérieur : « à l’occasion des récentes élections présidentielles et législatives, les forces de police et les unités de gendarmerie ont encore été mises à contribution pour établir ces documents administratifs. Cette mission est très consommatrice de temps, aux dépens des missions prioritaires de sécurité générale et de police judiciaire, alors qu’elle pourrait être exercée par les mairies plus efficacement, ces dernières disposant des listes électorales. »

Une partie de la réponse apportée par le ministère de l’Intérieur a été formulée en ces termes : « De premiers efforts ont été entrepris pour réduire la charge incombant aux forces de l’ordre. En effet, la révision récente de l’article R. 72 du code électoral a permis d’élargir le périmètre des agents sur lesquels reposait jusqu’alors cette charge, en étendant aux agents de police judiciaire en activité et aux réservistes de la police nationale et de la gendarmerie nationale l’établissement des procurations de vote.

« Mais ce dispositif n’a pas atteint l’efficacité escomptée, notamment faute de budget. Plusieurs voies de simplification de la procédure d’établissement des procurations de vote ont déjà été étudiées.

« La première consiste en une dématérialisation partielle de la procédure, en mettant en ligne un formulaire de procuration de vote qui serait renseigné puis imprimé par le demandeur. Celui-ci devrait alors se rendre auprès de l’une des autorités habilitées à établir des procurations, énumérées à l’article R. 72 du code électoral, pour le faire valider. Cette nouvelle procédure n’allégerait qu’à la marge le travail des unités chargées d’établir les procurations de vote, puisqu’il serait toujours nécessaire de recevoir le mandant, de relire le formulaire, de le refaire éventuellement, puis d’accomplir les tâches qui sont déjà requises dans la procédure actuelle (renseignement du registre, délivrance du récépissé, envoi de la procuration).

« La seconde consiste en une dématérialisation globale de la procédure. Le demandeur remplirait un formulaire de demande de procuration de vote directement dans une base nationale prévue à cet effet, puis se rendrait auprès de l’une des autorités habilitées à établir des procurations pour faire valider électroniquement sa demande. La délivrance du récépissé, l’enregistrement de l’établissement de la procuration, son envoi à la commune ainsi que l’actualisation de la liste des procurations établies par commune seraient effectués directement à partir de la base centrale, limitant le travail requis de la part des agents “valideurs”.« 

La question se pose d’une vraie réforme de ce système, surtout à une époque où l’on parle beaucoup de l’indifférence des citoyens à l’égard des élections, et d’autant plus du désintérêt pour les élections régionales et départementales.

Raphaëlle PAOLI