Plateformes américaines : alerte pour le cinéma français

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Les plateformes de streaming américaines, telles que Netflix, Disney+ ou encore Amazon Prime, viennent bouleverser le modèle économique du cinéma français. Celui-ci compte en effet en grande partie sur le financement des chaînes de télévision comme TF1, M6 et Canal+.

Aujourd’hui, l’arrivée des plateformes américaines dans la boucle des financeurs vient remettre en cause le système économique établi. Jusqu’à présent, les chaînes financent les films et en échange, elles ont un droit de diffusion de ceux-ci entre 6 et 32 mois après leur sortie en salles; le temps de diffusion étant décidé en fonction du montant de l’investissement de la chaîne. Canal+ en a fait la base de son modèle économique en devenant le principal financeur du cinéma français. Et voit donc d’un mauvais œil l’arrivée des plateformes américaines qui promet de chambouler le système en place. Canal+ refuse de perdre son avantage compétitif. Maxime Saada, président du directoire du groupe, a réagi à ce sujet : « Cette entrée va déséquilibrer les acteurs en place qui investissent plus de 300 millions au total, et assurent la diversité du cinéma français ».

De son côté Laurent Creton, professeur à l’université Sorbonne-Nouvelle Paris 3, et spécialiste de l’économie du cinéma, redoute cette arrivée, avec un nouvel équilibre qui risque d’être difficile à trouver. Face à cette menace, Maxime Saada n’hésite pas à hausser le ton. Il prévient d’emblée : « Si nos principaux avantages en matière de cinéma sont remis en question, il n’y aura plus de raison pour notre groupe d’investir autant dans ce domaine ». Canal+ demande donc de pouvoir diffuser les films dès la fin de leur exploitation en salles.

Cette solution est tout bonnement impensable pour Richard Patry, président de la Fédération nationale des cinémas français. Il a vivement réagi aux revendications de la chaîne payante : « Moi vivant, Canal+ ne sortira jamais les films à trois mois. C’est une provocation dangereuse au vu des enjeux ». Après avoir pris la Ligue 1 en otage, Canal+ essaye de faire de même avec le cinéma français. Des méthode abjectes selon certains acteurs. Depuis la reprise du groupe Canal par Vincent Bolloré, la chaîne ne laisse rien passer et persiste. Elle qui pour le moment finance deux-tiers des films français.

Pourtant, l’arrivée de nouveaux financeurs est de bon augure pour l’industrie du cinéma qui voit plutôt d’un bon œil l’introduction de nouveaux acteurs. « Les plateformes peuvent être une chance si elles apportent de l’argent pour produire davantage de films », lançait notamment Richard Patry au Figaro. De plus, cela permettrait au cinéma français d’être moins dépendant d’un seul acteur en la personne de Canal+.

Et l’Etat, dans tout cela? Il est censé jouer un rôle d’arbitre dans ce dossier. L’objectif pour lui est de préserver la filière cinématographique qui emploie 125 000 personnes. Les films français pèsent 35% d’entrées sur le marché intérieur. Une part unique sur un marché mondial largement dominé par l’ogre hollywoodien. L’enjeu est donc crucial pour l’avenir du cinéma sur notre territoire.

Charlie SALVIGNOL