Napoléon Ier, à la mémoire d’un « grand Français »

© WKMC

Il y a 200 ans, le 5 mai 1821, s’éteignait l’empereur Napoléon Ier. Aujourd’hui encore, ce personnage reste l’un des plus importants de l’histoire de France.

A l’occasion de cette commémoration, Le Méridional s’est entretenu avec le Dr Jean-Baptiste Renucci, du Souvenir napoléonien de la région, passionné de l’Empereur et de son époque. Il évoque la perception actuelle de Napoléon, ses liens avec Marseille, la légende de l’Empereur…

Le Méridional : Jean-Baptiste Renucci, vous êtes responsable du siège régional du Souvenir napoléonien, implanté à Marseille. Qu’est-ce qui vous y a poussé ?

Jean-Baptiste Renucci : La passion de l’Histoire ne m’a jamais quitté depuis mon plus jeune âge. Je le dois à ces admirables professeurs d’Histoire qui ont permis à de nombreuses générations d’aimer notre roman national. Passionné par l’épopée impériale, j’ai accepté tout naturellement la responsabilité d’animer la délégation impériale du Souvenir napoléonien afin de faire partager ma passion pour l’Histoire. Je ne le regrette pas, car le succès que nous rencontrons auprès d’un public nombreux et intergénérationnel démontre le besoin qu’ont nos concitoyens de la connaître.

LM : Quel est le rôle de l’association ?

JBR : Le Souvenir napoléonien est une association historique, apolitique, reconnue d’utilité publique depuis 1982. Présent en France et dans plusieurs pays d’Europe, son but est d’étudier et de faire connaître les institutions, les lieux, les événements et les personnes qui ont fait l’Histoire des deux Empires.

LM : Quels liens trouve-t-on entre Napoléon et notre ville de Marseille ?

JBR : Les liens entre Napoléon et notre ville sont nombreux, parfois méconnus. Afin de rendre visite à sa famille ou pour des raisons de service, le jeune officier est venu plus de trente fois à Marseille. Sa mère Letizia, ses sœurs, son frère Jérôme avaient, en effet, rejoint Joseph Bonaparte dans la cité phocéenne, à l’automne 1793. C’est l’époque bien connue des relations entre les Bonaparte et les Clary. De la rue Pavillon à la rue Lafont, en passant par la rue de Rome, la rue Paradis, la place des Augustines, nous pouvons suivre les nombreux périples marseillais de Bonaparte. Au mois de mars 1796, alors qu’il allait prendre le commandement en chef de l’Armée d’Italie, Bonaparte installe son quartier général à l’ »Hôtel des Princes », toujours visible, 10, place de la Bourse. A cette occasion, il présente son plan pour la première campagne d’Italie. Accédant au pouvoir, Marseille a pu compter, jusqu’en 1806, sur ses faveurs. Le préfet Charles Delacroix a restauré le commerce, réactivé la Chambre de Commerce, fait nettoyer la ville et entrepris des travaux d’embellissement. Toutefois, à partir du blocus continental, l’économie de la cité phocéenne fut hélas durement touchée.

Au début du Consulat, Bonaparte avait chargé le préfet d’établir, avec des édiles de la ville, l’inventaire des réalisations susceptibles de faire de la cité phocéenne la capitale portuaire de la Méditerranée. Le rapport ne parvint qu’en 1814 à Paris… Les projets furent repris sous la Restauration et surtout par Napoléon III.

LM : Nous célébrons le bicentenaire de la mort de Napoléon Ier. Que pensez-vous de la place que l’on accorde aujourd’hui à l’Empereur dans les programmes scolaires ?

JBR : Napoléon, comme d’autres personnages célèbres de notre Histoire, a subi les conséquences des différentes réformes qui ont mis à mal l’enseignement de l’Histoire. Ceux qui ont orienté les programmes ont une lourde responsabilité envers notre patrimoine historique. L’Histoire, c’est d’abord la chronologie, elle a disparu. Ce sont des récits, il n’y en a plus. Enfin, c’est faire connaissance avec les grands personnages. Aujourd’hui, on semble prendre conscience du naufrage éducatif. Napoléon, comme d’autres célébrités, réapparaît dans certains programmes. Comme dirait un professeur d’Histoire : « Peut mieux faire ! »

LM : « L’un des personnages préférés des Français » ou « figure controversée » : que répondez-vous à ceux qui critiquent son action à la tête de la France ?

JBR : Sans conteste, c’est l’un des personnages préférés des Français, et, bien au-delà de la France. Napoléon est universel. D’après Google, il est le 2ème personnage de l’Histoire après Jésus. Son génie réformateur est immense, mais aucune œuvre humaine n’est parfaite. Napoléon n’y échappe pas. Les choses d’autrefois ont leur raison d’être. Porter des jugements 200 ans après, avec les critères d’aujourd’hui, s’appelle faire de l’anachronisme. L’Histoire napoléonienne est celle qui a été la plus étudiée, la plus disséquée.

Non, Napoléon n’était pas raciste et encore moins esclavagiste. Pétri des valeurs du monde des Lumières partout où il est passé, en Pologne, en Italie, à Malte, en Egypte, par exemple, il a libéré les prisonniers politiques et les esclaves. De nos jours, certains utilisent le rétablissement de l’esclavage aux Antilles pour porter atteinte au personnage, sans toutefois expliquer les raisons de cette décision. D’autres, minorités récriminantes, s’attaquent à notre Histoire afin de ternir l’image de la France.

LM : Au-delà du personnage de légende qu’est devenu l’Empereur, en quoi continue-t-il de marquer notre époque ?

JBR : Avec l’académicien Jean-Marie Rouard, on peut dire que « sa vie, comme l’éclat de sa légende sont devenus source d’inspiration pour toutes les générations ». Ce parcours fulgurant et unique dans notre Histoire nous étonne encore 200 ans après sa mort. Parti d’un quartier populaire d’Ajaccio, Napoléon s’est hissé au sommet de la pyramide humaine avec la rage de vaincre. En quinze ans, malgré les conflits entretenus par les adversaires de la France, il a jeté les bases d’un pays moderne. Son œuvre civile est toujours d’actualité. Elle constitue l’architecture de notre société contemporaine. Ses codes juridiques dont le fameux Code civil (1804 articles persistent sur 2281), la création des lycées et du baccalauréat, celles du Sénat, du Conseil d’Etat et de la Cour des comptes, des prud’hommes, de la légion d’honneur, de l’installation des préfectures, et bien d’autres… constituent ses masses de granit. Ces réalisations institutionnelles, administratives, juridiques, éducatives et économiques ont permis à la France et à d’autres pays d’Europe d’entrer dans la modernité. Napoléon est en nous sans que nous le sachions. Sa conception de la société égalitaire, basée sur la méritocratie et la laïcité, demeure un exemple à suivre.

Enfin, nous retiendrons de Napoléon, son amour pour la France. Dans un élan de rassemblement pour la nation, il a pu dire : « De Clovis au Comité de salut public, j’assume tout. »

LM : Auriez-vous des ouvrages récents à conseiller à nos lecteurs pour le découvrir ?    

JBR : La bibliographie napoléonienne est très riche, plus de 110 000 titres sont parus depuis 200 ans. Napoléon est le deuxième lauréat de l’édition après Jésus ! Aussi, le choix est difficile, toutefois je conseille l’excellent Bonaparte  de Patrice Gueniffey aux éditions Gallimard et le livre de Thierry Lentz Pour Napoléon aux éditions Perrin, dans lequel l’historien répond aux détracteurs du XXIème siècle.

Propos recueillis par Jeanne RIVIERE