La justice éreinte les frères Guérini

Le palais de justice de Marseille ©DR

Abus de biens sociaux, trucage des marchés publics, pressions, intimidations, favoritisme, destruction volontaire de preuves, usage d’une collectivité à des fins personnelles : Alexandre et  Jean-Noël Guérini, qui avaient fait main basse sur le conseil général des Bouches-du-Rhône dans les années 2000 en ont pris pour leur grade ce mercredi 31 mars devant le tribunal judiciaire de Marseille. Les procureurs de la République Dominique Perrin et Patrice Ollivier-Maurel ont requis contre Alexandre, dit « Monsieur Frère », une peine de huit ans de prison assortie de 500 000 euros d’amende, l’interdiction de gérer une société civile ou commerciale durant cinq ans et la confiscation des importantes sommes saisies sur ses comptes en France et à l’étranger. Les magistrats, peu impressionnés par la constellation d’avocats de renom déployée à la barre, ont requis contre son frère aîné Jean-Noël, 70 ans, ancien président du Conseil Général 13, sénateur socialiste des Bouches-du-Rhône, réélu grâce à l’appui personnel de Jean-Claude Gaudin, une peine de quatre ans de prison dont deux avec sursis, une inéligibilité de cinq ans, 70 000 euros d’amende et la privation de ses droits civiques et civils durant cinq ans.

Les frères Guérini se souviendront longtemps de ce réquisitoire fleuve qui a duré huit heures. Accablés sur leur fauteuil, ils ont écouté sans ciller les explications des magistrats qui ont déroulé toute la pelote de leurs infractions. Ils se croyaient tout-puissants. Au-dessus des lois. Mais la justice est fine mouche : elle a réussi à démontrer leur complicité et leur duplicité dans les affaires dites de La Vautubière et du Mentaure. Grosso modo, c’est Jean-Noël Guérini qui préparait le terrain juridique et politique, et son frère Alexandre tirait les ficelles pour amonceler un profit maximal de l’exploitation des déchets.

Certes, les frères Guérini sont mis aujourd’hui devant leurs responsabilités et l’addition de leurs infractions présumées. Mais douze ans après la commission des faits, n’est-il pas trop tard pour les incriminer ? Il a fallu en effet des années d’instruction par le juge Charles Duchaine, puis trois années de non-instruction par le juge Christine Saunier-Ruellan, puis une reprise du dossier par un magistrat moins politisé, surnommé « la Rolls de l’instruction » : Fabrice Naudé, pour que l’affaire suive enfin son cours normal et s’achève à la barre du tribunal. Ce long feuilleton ne doit pas leurrer les braves citoyens : s’ils sont condamnés, les frères Guérini et leur camarilla d’avocats spécialisés feront appel, si en appel l’arrêt rendu n’a toujours pas mitigé leurs peines, ils iront jusqu’en Cassation et cette affaire va donc encore traîner dix bonnes années sans la moindre issue judiciaire.

Tout ça pour ça ? Pas vraiment. Les apprentis fraudeurs de marchés publics ou ceux qui veulent s’approprier à leur seul profit une institution y réfléchiront désormais à deux fois : la vertu pédagogique du magistral réquisitoire de mercredi fera probablement sentir ses effets à l’avenir. Et il faut espérer que les « pratiques courantes » du Parti socialiste à Marseille durant plusieurs décennies cesseront à tout jamais.

José D’Arrigo, rédacteur en chef du Méridional